J’ai croisé Anaïs chez le Chapelier. Elle y buvait le thé. Anaïs aime le thé et croquer des petits-beurre. Oui je sais ça vous rappelle une autre histoire. C’est sans doute dû au Chapelier ou au thé, mais il ne faut pas se fier aux apparences. Ici comme ailleurs on sert le thé à l’heure et on regarde passer les grille-pains avec nostalgie. C’est que nous sommes au mois de mars, la migration vient de débuter, la saison change. Ça n’a rien d’extraordinaire bien entendu et là n’est pas mon propos, non. Le souci c’est que depuis quelques jours les petits-beurre ne se laissent plus croquer par les coins. On m’a assuré que je me faisais des idées mais je le vois bien, moi à la façon dont ils se défilent. Ils deviennent farouches. Et si les petits-beurre n’assurent plus leur fonction, où va–t-on ? Je guette le moment où le monde deviendra fou, ce n’est pas loin de nous mais personne n’y fait grand cas, comme un fait inéluctable ou plus probablement parce que tout le monde s’en fout. Regarder son nombril occupe assez les heures du jour et de la nuit, on ne va pas commencer à faire attention à ce qui se passe autour de soi, hein ?
Et le ciel ? Oui, le ciel. Vous l’avez regardé dernièrement ? Vous n’avez pas remarqué un truc étrange quand tout à coup les étoiles s’ordonnent en rang dans le ciel. Croyez-moi ça surprend la première fois et je ne vous raconte pas le temps que ça prend pour remettre l’univers en place. C’est de loin le bazar le plus indescriptible que je n’ai jamais vu. Un vrai casse-tête ! Alors un jour j’en ai eu ma claque. J’ai pris la porte, je l’ai balancé au loin et tant pis si je ne sais pas où elle a atterri, moi je suis parti. En quête de je ne savais pas trop quoi, j’ai pris mon envol pour le fol âge. Il me fallait bien ça pour espérer retrouver un peu d’optimisme. Bien sûr ça m’a demandé du temps. Bien sûr j’ai assez bourlingué pour écrire ensuite des histoires, bien sûr j’ai compris que la folie comme beaucoup d’autres choses, elle s’apprivoise, voire s’adapte à nos différences, mais il y avait toujours une quête vers quelque chose qui me turlupinait. Ça me rendait fou de ne pas savoir où chercher, alors j’ai fini par rentrer par le premier bateau-mouche qui passait. Je me suis dit, où que j’aille c’est pareil, comme une attente qui ne prendra jamais fin, ça finit par me désespérer.
J’ai croisé Anaïs chez le Chapelier. On aurait pu croire qu’elle n’avait pas bougé depuis la dernière fois. Elle avait toujours son joli visage rond comme un soleil et ses cheveux blonds si lumineux mais je voyais bien le témoignage du temps qui avait laissé sa trace au coin de ses yeux. Et puis elle m’a souri. Ça m’a fichu un drôle de coup au coeur. Un truc auquel je ne m’attendais pas. Un truc qui me disait que finalement courir loin c’était bien beau mais pas très malin.
On peut être fou. On l’est tous un peu avec nos démesures mais fou de l’autre c’est rare. Fallait bien les étoiles et le ciel à l’envers, et les coins des petits-beurre et tout ce temps loin d’elle pour enfin le réaliser et tout le reste de l’éternité pour en profiter.
En mars, l’agenda ironique est sous le signe de la folie et c’est Monesille qui mène la danse des fous en tous genres. 🙂
Les précisions du thème sont ici.
C’est magnifique! Tu glisses, tu effleures et tu repars! Tout en douceur!
Bises
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Thé et coins de petits beurre lus font plus que rendre fou de l’autre.
Tout simplement j’aime. Superbe.
Merci délicieuse laurence.
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Il parait que le propre des beaux textes, c’est de laisser la place pour que chacun s’y retrouve…et celui-là me parle beaucoup 🙂
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Merci Ariel 🙂 Touchée…
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Et en plus tout est bien qui finit bien!
C’est fou!!!
Bonne soirée,
Mo
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Joli ! Je pensais tout d’abord te suggérer d’essayer les biscuits ronds, mais non, tout compte fait c’est ton texte qui est rond et qu’on a envie de déguster par petits bouts, d’ailleurs lui se laisse faire !
Bisous
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Ah ! Ah ! L’idée est à retenir quand même pour un prochain thé chez le Chapelier. Qui sait ce qui en découlera ? 😉
Merci pour l’appréciation Monesille. Que mon texte puisse évoque une idée de rondeur me plait beaucoup.
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Très fou et très doux à la fois ton texte
J’adore cette folie douce inquiétante au début puis rassurante …
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Un entre-deux, donc. 🙂
Merci Val.
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oh que j’aime les mots de cette folie douce, laurence! bravo et merci pour ce joli moment passé à te lire! quelle merveilleuse histoire!
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Merci beaucoup Malyloup 🙂
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« qui voyage loin s’éloigne de ce qui était tout près (ou tout-prêt ?) »
j’ai adoré, même si maintenant je vais devoir abandonner l’idée d’enrôler le Chapelier dans ma petite histoire pas écrite.
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Les deux, mon Capitaine ! 🙂
Pourquoi abandonner l’idée du Chapelier ? Lewis Caroll mérite bien d’autres hommages sur ce thème de folie ! Et plus on est de fous… 🙂
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