N’oublie pas le croco, les serpents, les pieds de porc et les poussins

 

agenda-ironique-nov-2017

Hello,

Je n’ai pas pour habitude d’écrire depuis le ciel — il peut encore attendre celui-là —, mais les circonstances d’aujourd’hui me poussent à le faire avant le 18  de ce mois parce qu’après comme tu le sais, les Granny Smith partent en vacances par le dernier charter. Je fais court mais je tiens tout de même à te rappeler pourquoi tu dois aller nourrir le croco et les serpents. La dernière fois j’ai eu tout le syndicat de l’immeuble devant ma porte. Bon d’accord je n’aurais sans doute pas dû les autoriser à finir la bouteille de gin — quoique le croco s’est endormi assez vite après avoir versé ses larmes — et ce soir là il est vrai qu’il y avait aussi Julien avec sa manie de changer de tête comme de chemise. Franchement, il fallait suivre ses revirements et ses transformations. Autant te dire qu’il manque toutefois de pratique parce qu’il a conservé celle du zèbre pendant cinq jours. J’ai fini par comprendre que le sourire équin qu’il affichait, babines retroussées, dentition proéminente, perturbait les voisins. Je te rappelle aussi que dépoussiérer les pieds de cochon sur la cheminée est une tache délicate. Attention  à ne pas laisser la fenêtre ouverte ! Tu as peut-être oublié qu’ils s’étaient fait la malle et avaient manifesté contre l’excès de poussière toute la journée dans le quartier, mais pas moi. J’ai passé un temps fou à rassurer le voisinage qui tout à coup me voyait comme un bon à rien, incapable de tenir une maison. Autant te dire que j’ai été vexé par leur jugement hâtif. Il y a aussi les poussins dans la chambre, ceux qui se nichent au plafond dans les moulures qu’il faudra nourrir. Les autres — sur l’étagère et le mur — sont empaillés, je te le rappelle. N’essaie pas de les gaver de graines, ils jeûnent depuis des lustres. En parlant de lustre, celui du salon manque de tomber sur la sirène. Si tu pouvais la déplacer pour éviter qu’elle ne se blesse et par la même occasion qu’elle ne broie du noir pendant mon absence, ça serait sympa. Je sais, je t’en demande beaucoup, d’autant que si je me souviens bien la dernière fois que tu es venu vous vous êtes disputé tous les deux à cause des parapluies. — Encore et toujours à cause des parapluies ! — Il faudrait peut-être arriver à faire table rase du passé, tu ne crois pas ? Je t’entends encore hurler comme un dingue devant elle, — allongée sur le sofa, ses petits seins nus en tressautaient de peur — « Nom d’une pipe en boite, il ne faut plus prendre les parapluies pour des sirènes ! » Il m’a fallu des jours pour qu’elle cesse de pleurer devant ce qu’elle juge cruel de ta part. Franchement, si ça la rend heureuse, qu’est-ce que ça peut te faire qu’elle croie dur comme fer que ces parapluies sont ses filles avant d’être les tiennes ?

Bon, je te laisse les clés comme convenu dans le pot de fleur. J’ai rempoté le désordre de la dernière soirée, n’oublie surtout pas de nourrir le serpent deux fois par jour.

A bientôt, l’ami !

Un texte burlesque, sans queue ni tête mais qui a du sens pour qui le crée, écrit pour le dernier mois de l’agenda ironique de l’année proposée conjointement par les miss Anne et Clémentine Il fallait s’inspirer du collage d’Anne pour écrire une lettre parsemée de quelques mots complètement inventés, de déclinaisons alambiquées ou de situations invraisemblables et insérer la phrase (en italique) dans le texte. J’ai choisi l’invraisemblable… Merci à vous deux pour le grand n’importe quoi de ce mois !  🙂

Je tiens à préciser qu’aucun animal cité n’a été maltraité tout au long de ce texte, que les poussins, le serpent, la tête de zèbre et les pieds de cochon existent bel et bien dans un appartement parisien visité… avec beaucoup d’autres animaux tous plus ou moins vivants.

34 réflexions sur “N’oublie pas le croco, les serpents, les pieds de porc et les poussins

  1. Le dépoussiérage des pieds de croco, la descente du tapis à dos de sirène, l’élevage de poussins au plafond, que voilà matière à réaliser combien le départ des Grany Smith en vacances n’est en rien anodin ni une petite affaire courante.
    C’est un petit diamant que tout ce travail d’organisation, que dis-je, un excellent scénario épistolaire du futur palme d’or à voir venir.
    J’applaudis des trois étagères empaillées d’où je me trouve. (Après m’être cherchée)
    J’adore.

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  2. Bon jour,
    Au prix du véto cela doit coûter bonbon toute cette ménagerie de frappadingues qui doit taper de la patte, gesticuler des arrières trains et souffler de la turbine du tohu-bohu dans la journée.
    Bref, je m’égare ; en tout cas un excellent texte, diantre 🙂
    Max-Louis

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      1. Hé, hé, hé, coquine !
        ça serait avec plaisir (quoique vous êtes tous vraiment bons à cet exercice, et je suis sûre que je galèrerai pour suivre !), mais l’activité est chronophage, et comme je suis en pleine réécriture de mon petit roman d’anticipation, je sais que je ne pourrai pas participer correctement.
        En tout cas, merci pour l’invit’

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    1. je me mêle certainement de ce qui ne me regarde pas (mais qui me regarde ?), mais « réécriture chronophage » n’est une excuse !
      allez, une un deux ou trois petites centaines de mots (issus des incipit des chapitres d’un roman d’anticipation en réécriture, par exemple 🙂 !! c’est Noël !

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  3. Rhaaaaaaaaaaaaaaaa, les patronnes sont contentes ! Du rigolo, du presque sans queue avec tête, de l’incongru, un grand n’importe quoi qui dépote les bégonias et vous envoie valdinguer dans les plates bandes. Envoie-moi un petit mail (mon adresse est sur mon site) pour quelques questions sans beaucoup d’intérêt pour cette histoire. Vraiment, tu as ouvert ce mois de manière dantesque. Salut à toi ! J’affiche ton lien illico presto. N’est-ce pas Clémentine ?

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  4. Wouah Laurence, elle décoiffe ton ouverture de bal! Tu réussis le miracle d’une texte totalement absurde – mais pas totalement, parce que les crocos ont une queue et les serpent une tête, ou l’inverse, bref on comprend bien qu’on y comprend rien . Et du coup ça ne veut rien dire mais l’histoire est très claire et nous faire bien rire. Et pas un seul bout de phrase qui nous laisse mijoter tranquille dans le bain de la logique. Enfin, j’adore, j’adore, j’adore!

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