La poule et l’œuf

poule

Il était une fois une petite poule qui habitait à côté d’un mur. Elle était apparue un jour de grand beau temps, comme ça, dans un grand « pop » magique et se trouvait être la première poule du monde. Chaque jour, comme un miracle renouvelé  le même rituel se répétait : toujours au même endroit, du pain apparaissait et la poule grimpait sur le muret afin de picorer son dû. Un matin de grand ciel bleu, sans que rien ne laissât présager de changements — ni vent, ni tempête, ni balayette —, point de pain sur le mur. Celui-ci était net, dépourvu de la moindre petite miette si bien qu’elle s’en trouva tout à coup fort désappointée.  Elle imaginait déjà à quoi ressemblerait sa vie future : une longue et rude quadragésime. L’idée même lui fut insupportable. Qu’à cela ne tienne, se dit-elle, je vais de ce pas suivre le chemin du muret et peut-être trouverais-je plus loin mon pain quotidien. Ainsi, tout en jouant d’équilibre, la petite poule trottina le long du muret. C’était un long muret, d’où on ne voyait ni le commencement, ni la fin, et au début cela effraya un peu la petite poule, puis elle s’enhardit, se trouva même aventureuse à partir ainsi vers l’infini. Je suis partout chez moi se dit-elle, ragaillardie à l’idée d‘être la première poule du monde. Quel choc fut alors de voir débouler devant elle un œuf à la pâle couleur, encore jamais rencontré. Ils se regardaient l’une, avec méfiance, l’autre avec un sourire conquérant. Attention, pensa la poule, l’énergumène est peut-être mon voleur de pain.

— Holà poulette, ôte-toi de mon chemin, dit l’œuf. J’ai encore une longue route à faire.

— Toi, ôte-toi de MON mur. Tu n’as pas ta place ici.

— Crois-tu ? J’étais là avant toi. Si tu veux passer, envoie la monnaie d’abord. Une tringueld fera l’affaire

— Que ? Quoi ? s’égosilla la poule. Avant moi ? Tu délires. Je suis la première.

— Ah ! Ah ! Quelle bêtise. Tout le monde sait que moi, l’œuf, vient avant toi, rigola-t-il

— C’est la chose la plus stupide que j’ai jamais entendu, répondit la poule

— C’est ça, c’est ça, dit l’œuf en tournant sur lui-même. Non mais franchement regarde-moi ! Ne vois-tu pas ma perfection dans les courbes et lignes de mon corps. C’est la maturité, ça ma belle, des années, que dis-je des siècles, d’expérience et une bonne dose de truculence qui font toute la différence.

Et l’œuf, fier comme un coq, roulait des mécaniques devant la poule obligée de reculer. Un vrai spectacle à lui tout seul. C’est un cauchemar, je vais me réveiller, marmonna la petite poule. Non seulement il contestait son origine première mais en plus elle perdait du temps et sa patience. Un long chemin lui restait encore à parcourir avant de comprendre le mystère du pain perdu et qui plus est, elle avait faim. Elle foudroya l’œuf d’un regard glaçant. Était-ce lui son voleur de pain ? Songeait-il  à s’en faire des mouillettes ? Fallait-il livrer combat et désigner un gagnant ? Comment le monde qui tournait rond jusqu’à présent était-il soudain devenu… ovale ? Manquerait plus qu’il faille conclure une morale à cette histoire, ça serait le clou du spectacle, pensa-t-elle dépitée.

L’œuf se pavanait, bombait du torse, disait :

— Allez poulette, fais pas la tête. Faut te faire une raison. Sur cette terre, sur ce muret et partout dans le monde j’ai posé le pied le premier. Mais je veux bien t’accorder le deuxième.

— Premier, deuxième, deuxième, premier. Je t’en foutrai de la sélection, moi. Et mon pain perdu, cria-t-elle soudain, il devient quoi dans cette histoire ?

— Hou là, faut pas le prendre comme ça, on peut s’entendre tu sais.

— Ah oui ? Et comment ? On fait une rotation ?

— Mais oui, la poule ! On peut, si tu veux. Moi d’abord, toi ensuite, dit-il goguenard.

Et il cligna de l’œil, la mine ravie. Pendant un instant la poule demeura coite, puis pour la première fois de sa vie, se fendit d’un sourire.

— Allez petite, viens, on s’en fout qui de toi ou de moi vient avant, dit l’œuf. Y a que les imbéciles pour ne pas voir que l’importance est ailleurs. On va chercher ton pain, sur le muret et ailleurs s’il le faut. On est deux maintenant. Pour continuer c’est mieux, non ?

 

En février l’agenda ironique se pose chez Le dessous des mots avec pour consigne : un conte, quatre mots, une morale… Moi et les contes ça fait deux,  mais pour le plaisir de jouer, eh bien… j’ai joué. 🙂

crédit photo : inconnu

 

26 réflexions sur “La poule et l’œuf

  1. J’aime bien ce conte à la sauce poulette, à servir avec des moules ou une volaille 😉
    Délayer la fécule de pomme de terre dans une louche de fond blanc de volaille (ou jus des moules).
    Verser le fond dans une casserole. Ajouter la crème fraîche. Et porter à ébullition.
    Battre au fouet, et retirer du feu. Délayer le jaune d’œuf et un jus de citron, dans un bol.
    Verser sur le bouillon en mélangeant. Assaisonner. Ajouter deux cuillères de persil ciselé.
    Servir dans une saucière ou verser sur la viande découpée.
    On est deux maintenant à la connaître. Pour l’apprécier c’est mieux, non ?

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