Elle lisait nue

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Elle lisait nue. Allongée sur le lit, alanguie, voire un peu endormie, ou assise dans le large fauteuil, le livre dans ses mains, comme en suspension devant ses yeux. De temps à autre elle se levait, le livre toujours en mains et marchait. La démarche naturelle, sans éprouver la moindre gêne des contours impudiques de son corps, sans même l’idée de se montrer ainsi vulnérable, elle lisait. Et, au rythme des pages tournées, quelquefois, s’arrêtait au détour d’un mot, d’une phrase.

A la posture du corps je devinais les tensions que créait sa lecture, elle disait, écoute, en levant son index comme pour retenir mon attention, se plantait devant moi, attendrissante, vierge de textiles, la peau laiteuse constellée de taches de rousseur. Ses cheveux détachés frôlaient ses seins. Je regardais les aréoles brunes, le ventre rond, son nombril creux, les hanches pleines, la toison sombre, les cuisses fermes. Quelquefois mon regard descendait le long des jambes jusqu’aux pieds. Et, quand elle reprenait sa balade, les orteils vernis jetaient comme des taches de couleurs sur le plancher. Tu m’écoutes ? insistait-elle et je hochais la tête avant de fermer les yeux. Je restais silencieux, attentif à la moindre nuance de sa voix. Selon l’intensité de sa lecture, elle modulait sa perception et sa tonalité résonnait dans chaque fibre de mon corps. Je me sentais alors dépouillé de toutes mes années d’errance, de mes propres déambulations oisives. J’étais plus nu habillé qu’elle dénudée. Elle me débarrassait de toutes les couches sordides, le passé pesant se drapait de pudeur, s’esquivait, s’éloignait, comme un souffle léger.

Elle lisait, à nouveau silencieuse, douée de clarté, s’asseyait, jambes croisées, libertine, ainsi vêtue de sa nudité et, dans la désinvolture sensuelle de son corps libre, naissait ma propre renaissance.

En mai, pour l’agenda ironique,on se met tous à « nu, nue, nus, nues » comme il nous plait, et c’est chez Valentyne que ça se passe

36 réflexions sur “Elle lisait nue

  1. Très beau et sensuel
    et puis j’ai adoré la fin « et, dans la désinvolture sensuelle de son corps libre, naissait ma propre renaissance. » …..(pour le clin d’oeil à la nudité de la naissance …je ne sais pas si je suis très claire ….)

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    1. Oui, il y a aussi de ça… Plus nu que la naissance, vierge de toute trace… on peut jouer ainsi longtemps 🙂
      Merci Val. Si le thème choisi m’a tout d’abord déconcerté, j’adore la diversité qu’il propose !

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  2. Le don de soi, parfait, naturel sans tabou ni la moindre arrière-pensée mais tout en générosité.
    Attirer le regard et dire « écoute! », c’est très fort, un peu comme le font quelques rares et très grands acteurs qui s’oublient complètement pour donner leur texte.

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  3. bonsoir Laurence…
    C’est terriblement beau
    les mots choisis, le rythme …Je l’ai lu et relu (habillée toutefois.. quoique moins déjà qu’à mon retour du travail…)
    Tout est beau et le « tu m’écoutes  » scande merveilleusement le tout…
    Vraiment bravo!

    Aimé par 2 personnes

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