La nuit dernière j’ai rêvé de figuiers. Les branches croulaient sous les fruits. Des fruits charnus, au parfum entêtant. Il y avait aussi le bruit de la mer au loin. Et le rire d’un gamin. Généralement je ne me souviens pas de mes rêves. L’imprécision de celui-ci est pourtant restée toute la journée. L’odeur de la figue. Le claquement des vagues. Le rire. Ça m’accompagnait sans que je n’y songe réellement. Une présence régulière.
Ce soir après le taf j’ai erré dans les rues. La nuit tombait déjà, le ciel voilé de nuages sombres. J’ai traversé la foule. La course des gens qui n’ont qu’une hâte, celle de rentrer à l’abri de l’automne. J’ai regardé les couples. Ça me fout le moral à zéro mais c’est plus fort que moi, je ne sais pas regarder ailleurs. J’ai arpenté la ville. Le vent s’est levé. J’ai remonté le col de mon caban. La pluie s’est invitée, presque chaude dans la fraîcheur de la nuit. J’ai avisé le bar où je vais traîner quelquefois. Comme un phare dans l’obscurité, un pied de nez au spleen.
J’ai poussé la porte, bu une bière au comptoir. A travers le brouhaha des voix, j’essayais d’entendre la musique que crachotaient en sourdine deux enceintes fixées à une fausse poutre. Le son de l’oud, d’une guitare électrique, celui d’une voix venue d’Orient, des percussions. C’est dingue comme la solitude est pesante quand autour de soi la vie bat les heures à venir. Moi, j’ai l’impression de faire du sur place.
Je n’avais ni envie de rentrer, ni retrouver le silence de mon appart, ni entendre les petits pas pressés du môme de la locataire du dessus. Elle, je n’ai jamais entendu sa voix. Mère célibataire, un sourire en guise de bonjour, bonsoir. Son gamin dans les bras, elle monte les marches deux par deux, les descend tout aussi vite. Même chargée de sacs de courses elle survole la terre. Le môme il a des rires dans sa voix. Dans ses yeux aussi. Un vrai rayon de soleil.
Je rêve. Je rêve d’éloigner les nuages et d’une femme à mon bras. Je rêve d’être le vent dans ses cheveux et d’épouser son regard solaire. Je rêve d’une femme qui n’aurait pas envie de me quitter. Une femme qui n’oublierait pas de m’embrasser le matin, que j’embrasserai le soir en retour.
Un rêve où l’indigo de la nuit s’ornerait de lumières.
Ton texte, son histoire, je les vois comme une percée, infime et minuscule dans un ciel gris et froid. Cette percée peut s’agrandir, comme se refermer.
Un texte qui peut faire basculer aussi bien dans un sens que dans l’autre.
Encore un beau texte 🙂
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Merci Val de prendre le temps de venir me lire. Tes retours sont à chaque fois précieux.
Belle soirée, tout là haut.
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On ressent les émotions de cette personne – si vives – flagrantes. La solitude est un mal délicat qui nous fait nous sentir petit face au reste du monde. Tu décris si bien cet état, rien ne fait sens et pourtant une faible lueur d’espoir demeure.
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Donner vie aux émotions, tenter de les traduire sous la plume… un exercice que j’aime bien. Sans doute parce que c’est ce que j’appréhende le mieux dans mes écrits… dixit la plupart des lecteurs qui me suivent 🙂
Eh oui l’espoir. Souvent. Très souvent, même ténu, il est présent…
Merci beaucoup Marie.
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En inversant les genres à toute la fin, j’ai compris que ce n’était pas de ta vie dont tu parlais, mais de ce sentiment que tu as vu ou capté, ressenti et qui est criant de vérité, je te le confirme. C’est touchant.
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Merci beaucoup Pier. En dire peu pour exprimer beaucoup. Je jongle avec l’équilibre des mots très souvent. Si ça fonctionne, j’en suis heureuse.
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Les mots chez toi, sont comme des circonvolutions de papillons, ils illuminent le ciel et enveloppent nos rêves dans des silences que ne rompt que le clapotis de cette pluie scintillante sur l’asphalte nue.
Tant de poésie dans tes mots, c’est si beau !
Merci poétesse
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Merci beaucoup Bizak. Je ne sais pas si l’on peut considérer mes textes empreints de poésie mais ton commentaire, l’est assurément !
Bonne fin de soirée.
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Beaucoup de modestie en toi, tes mots m’ont ravi et m’ont enlisé doucettement dans un émerveillement que j’ai traduit par les miens.
Merci pour ta générosité
Toute mon amitié
Belle fin de soirée aussi
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Un texte qui retranscrit élégamment la pesanteur étrange d’un infime moment de solitude en cette saison. Je ne pense pas nécessairement au célibat mais à ce sentiment momentané, étrange et angoissant qui donne envie d’être réconforté en novembre quand il est frais et morose.
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Tout à fait. Peu importe la forme de solitude dans laquelle on se trouve quand on ne la convoite pas. Il émane effectivement de ce sentiment un besoin de réconfort que nous éprouvons tous. Merci laromeetlapatine
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Quand on écrit d’aussi belles choses Laurence, c’est que l’on mérite le bonheur, il est la, proche …
Une pensée sincère pour toi ce soir ma petite Laurence 😃
Un gros bisou.
Tony ☺️
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Tony, je crois que le titre de cet article prête à confusion parce que ce texte n’évoque en rien ce que je vis. Il est juste le reflet de ce que certains vivent et éprouvent. Je ne parle quasiment jamais de moi dans mes écrits. Où si c’est le cas, il faut intimement me connaître pour le deviner… et encore 😉
Belle soirée à toi.
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Aaaaah Ok Madame, oups, mais ce n’est pas très grave finalement je reste quand sur mes mots…
Quand on écrit d’aussi belles…
Bises 😃
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Merci 🙂
Bonne journée Tony !
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Je vous souhaite bientôt des jours meilleurs. Votre texte est très beau, très triste.
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Merci beaucoup, Marie-Anne. Ce texte n’est pas personnel, loin de là. Il est le reflet de ce que je perçois parfois chez les autres. J’écoute, j’entends, j’essaie de traduire ceux qui ne peuvent ou ne savent pas dire… Touchée que vous l’ayez apprécié.
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Je comprends ! C’est en tout cas un très beau texte, tellement poignant que je l’aurais cru autobiographique …
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https://youtu.be/YiDpIaXQDrI ❤️
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C’est très beau… merci pour le partage Venus. Connais-tu le nom de l’instrument dont joue la chanteuse au centre du groupe ?
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Je viens de voir qu’il s’agit d’un harmonium. C’est la première fois que j’en vois un comme celui-ci 🙂
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Les trois premiers paragraphes m’ont beaucoup fait penser au style d’Olivier Adam … Quant à la dernière phrase ; tellement belle 🙂
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Je ne connais pas Olivier Adam. Tu me rends curieuse. Je vais aller me renseigner…
Merci beaucoup La Nef, contente que ça te plaise 🙂
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Je me souviens de l’atmosphère de ses nouvelles ( Passer l’hiver ) , avec des personnages abîmés qui cherchent à dépasser « l’hiver « de leur vie brisée ou bien juste maussade ( il y est parfois question de bar … de perte … d’amour ) . Mais c’est son roman Les lisières qui m’a bouleversé. Bonne soirée 🙂
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Quel texte poignant. J’en ai les larmes aux yeux… Je ne sais pas vraiment comment te l’expliquer mais ce fragment de vie si réel mêlé à ton écriture m’a beaucoup m’a touché.
Je te remercie pour cet instant si fort.
Bonne soirée !
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Je te souhaite également de trouver le bonheur qui te convient. Je suis persuadée qu’il va arriver même si il se fait désirer !
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Merci La plume. Ce fragment de vie n’est pas le mien, je suis confuse que tu l’aies interprété ainsi. Mes textes traduisent la vie, les espoirs, les attentes de chacun, je n’y parle pas de moi…
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J’ai longtemps hésité… mais je me suis dit que si c’était le cas, un peu d’ encouragement ne ferait pas de mal… je suis vraiment confuse.
Bonne journée.
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Ne le sois pas. Si j’étais dans le même état que mon narrateur, j’apprécierai l’attention à sa juste valeur.
Cela dit, je te remercie d’avoir apprécié ce texte. Je suis très touchée de ton retour…
Bonne journée à toi aussi.
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La solitude est parfois pesante. Mais il ne faut pas désespérer. Un jour viendra où le partage et la communion seront à nouveau là.
En attendant, pour retrouver le sourire …
https://wordpress.com/post/prose-pipe-et-poesie.blog/159
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Merci Glomérule. ce texte n’est pas le reflet de mon vécu. Je ne fais que traduire ce que peuvent ressentir certains d’entre nous face à la solitude.
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Tant mieux. Très joli texte, très bien écrit.
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Merci beaucoup 🙂
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