Amandine avait été élevée par sa grand-tante Emma, une vieille à l’allure fantasque dont on se méfiait dans le village depuis qu’elle avait enterré son trente-sixième mari. Plus les années passaient plus on trouvait douteux son goût pour les pierres tombales qui remplissaient le cimetière du village. La grand-tante gagnait sa vie en tirant les cartes – les arcanes du tarot n’avaient aucun secret pour elle ‒ et avait tenté d’initier Amandine. En vain. Celle-ci avait choisi une voie différente quoiqu’assez proche de celle de sa tante. Comme elle, elle connaissait fort bien les tréfonds de l’âme humaine. On pouvait parler de sixième sens, ou peut-être bien de tradition familiale déviante.
La vie d’Amandine était à l’image d’une pièce de théâtre et, ses journées, une scène sur laquelle elle transformait le monde. Saltimbanque, elle jonglait entre tragédie et comédie, savait d’un coup d’œil jauger ceux qui s’adressaient à elle. Elle avait le don pour deviner l’envers du décor chez ceux qui vivaient d’apparence et de malveillance cachée. Son crédo : arnaquer tous ceux qui usaient de leur pouvoir ou de leur aisance à écraser les plus démunis et les éconduits. La jeune femme avait à cœur de leur redonner l’assurance de l’avenir. Une sorte de robin des bois des temps modernes, disait sa grand-tante, avec fierté.
La matinée était bien avancée. Amandine se levait. La mine encore ensommeillée, les yeux vagues, elle offrait un portrait saisissant de candeur. La lumière de fin d’été éclairait l’intérieur de la maison. La décoration y était vieillotte, de style rococo. Le mobilier façonné de moulures et tarabiscots à foison qu’affectionnait Emma. Par la fenêtre ouverte de la cuisine filtrait le parfum de lavande fanée mêlée à celui des roses. Vincent se tenait devant, le regard porté vers le jardin. Comme une invitation à s’asseoir, du pain et du beurre frais, deux bols, une caféière de café étaient disposés sur la table de la cuisine, ainsi qu’un panier empli de fèves à écosser fraichement cueillies. Vincent avait roulé toute la nuit, s’était assoupi à l’aube dans sa voiture avant de reprendre la route. Le village où résidait Amandine lui semblait toujours être au bout du monde et c’était en quelque sorte le cas. Un petit bout de terre qui s’étendait vers la mer tel un bras plus large que long où les goélands et les mouettes se disputaient le ciel. Ici l’existence prenait des couleurs d’été en permanence. Surtout sous la pluie. L’hiver passé, un soir de pluie et d’odeur de feu de bois, Vincent y était venu pour enquêter discrètement sur la demoiselle. On chuchotait tout bas tant de rumeurs sur elle que sa curiosité de journaliste avait voulu percer le secret qui l’entourait. La première rencontre s’était tenue sous la pluie. Il se souvenait d’elle sous son parapluie. Le rouge de ses bottes de pluie. La lumière de son sourire.
Au bruit de pas, Vincent se retourna et fit face à Amandine. Il nota les pieds nus sur le carrelage, la transparence de la nuisette qui laissait deviner les courbes du corps. Ses cheveux noirs, détachés, quelques peu emmêlés. Une des bretelles du déshabillé tombait sur l’arrondi de l’épaule. Il avait déjà une foule de souvenirs d’elle, beaucoup d’autres à parfaire le futur et, depuis la rencontre sous la pluie, avait pris un abonnement à vie dans l’existence d’Amandine. Il laissa musarder ses yeux sur l’ensemble de l’apparition, puis la dévisagea. Sur les lèvres d’Amandine flottait un sourire heureux. Le cœur de Vincent s’affola.
Sous la houlette d’EMILIE, Les plumes d’Asphodèle reviennent. Quatorze mots à placer dans le texte : NUISETTE TRADITION TRENTE-SIXIÈME FÈVE NOIR TRÉFONDS ENVERS TARABISCOT BRETELLE MUSARDER ABONNEMENT ARCANE AFFOLER ARNAQUER
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Crédit photo : Pinterest
Belle texte, superbe phot. Merci!
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Merci beaucoup Isabel !
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Un très beau texte, qui semble trop court comme tout tes textes. Tu arrives parfaitement à nous immiscer au plus près des personnages et à faire naitre les émotions, à ressentir les ambiances. Merci pour cette envolée au près d’Amandine.
Bon week-end Laurence.
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Merci à toi, Val, ton retour est très encourageant.
C’est vrai, je privilégie le texte court sur écran, au risque de ne pas toujours trouver de chute, d’ailleurs 🙂
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Un délice ton texte, Laurence Délis 😉
Ton Emma rejoint ma Marie-Madeleine !!
J’adore le portrait d’Amandine, sur la fin de ton billet. Et l’Amour, toujours, c’est beau !
Bises d’O.
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Merci Soene. L’amour, oui… il n’y a jamais assez 🙂
Bises, itou.
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Hello, je découvre votre blog ! Egalement fan d’écriture et d’art en général… j’apprécie vos textes, mais je n’ai lu que vos deux derniers articles ! 🙂
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C’est très gentil. Merci beaucoup Vanadze et bienvenue dans mon petit monde artistique. 🙂
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Rouge comme amour…
Tous les mots semblent s’être donné le mot pour ne pas déranger le bel ordonnancement de l’histoire…même le fameux tarabiscot ! 😉
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
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C’est que le fameux tarabiscot a été plutôt facile à placer. Bizarrement c’est « abonnement » qui a été récalcitrant à se laisser apprivoiser.
Merci de ta lecture Célestine
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Moi aussi, j’ai laissé tomber l’abonnement… 😉
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
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Une bien belle histoire.
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C’est gentil. Merci Nadège.
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J’aime la façon dont tu nous parles d’amour Laurence!
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Oh, merci Marie. ça me fait plaisir 🙂
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On s’y croirait ! C’est très chouette !
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Merci Lydia
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Bien sympathique cette Amandine… et bien racontée.
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Merci Anna 🙂
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tu as le don de faire tenir des vies en quelques dizaines de lignes !
La suite, la suite !
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Merci beaucoup Carnets, ça fait plaisir à lire 🙂
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J’espère pour Vincent qu’Amandine n’a pas complètement hérité des gènes d’Emma !
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😀 ! Eh bien en général, par contradiction, la génération suivante fait l’inverse de la précédente, donc Vincent et Amandine ont de beaux jours devant eux.
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😄😄😄 j’aime beaucoup !! Très belle journée à vous Laurence.
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J’en suis ravie ! 🙂 Merci beaucoup les faits plumes !
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Belle histoire !
On dirait que la vie leur donne une deuxième chance, mais je redoute la réaction de sa grand-tante… Elle a l’air possessive et plus « débrouillarde » qu’une autre Emma!!!
Bises
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Les tourtereaux sont tranquilles ! La grand-tante s’est amouraché d’un trente-septième amoureux !
J’avoue ne pas savoir de qu’elle Emma tu parles. Une référence ?
Merci Emilie !
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donc pour eux les jours sont encore plus beaux que les nuits 🙂
(maintenant je comprends pourquoi le Captaine délaisse son blog LOL)
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L’amour c’est beau tout le temps et peu importe le temps 🙂
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un 37 eme mari en vue alors ????????????
Quelle vigueur !!!
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Oui, la grand-tante est très en forme !! le trente-septième vit de l’autre côté de la mer. Va savoir où il sera enterré celui-là ! 🙂
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