Quartier Latin, quatre heures du matin.

Quartier Latin, quatre heures du matin. Sur la place de la Contrescarpe, Rémi quitte le groupe d’amis avec qui il a passé la soirée. Flânerie dans la nuit claire, il avance à contre-courant. C’est en bas de la rue Mouffetard qu’il croise Marie toute de rose vêtue. Marie qui, d’un pas pressé, se hâte vers chez elle. Entre les jeunes gens, le tempo différent provoque un choc. Une secousse de l’ordre du sismique. Rémi, aspiré par la prolifération d’émotions que la présence de Marie entraîne, prend la mesure de l’ordinaire qui se pare d’extraordinaire. Au même moment Marie se rappelle le sourire de Rémi entrevu quelques heures plus tôt sur la place de la Contrescarpe. Un sourire tendre et audacieux. Un joli mélange de genre, pense-t-elle.

Un peu par bravoure, Rémi frôle la main de Marie. Une sorte de reconnaissance implicite incite les jeunes gens à poursuivre leurs pas dans le même sens de marche jusqu’à la chambre de Rémi.

En équilibre, sur la margelle du temps fragile, les mots sont superflus. Ils racontent les amours de jeunesse et les plaisirs éphémères. Un intervalle suspendu où chaque instant est à l’opposé de moments décadents. Quand le hasard s’en mêle, pensent les jeunes gens, il faut suivre le cours de l’inattendu. Goûter l’air du temps avec gourmandise. Tous deux veulent profiter des heures à venir.

Dans l’immédiateté Rémi déshabille Marie. L’effeuillage est malhabile. Un peu tremblant. Fasciné, Rémi s’arrête sur la rondeur de la hanche de Marie et suit des yeux le minuscule poisson-chat qui orne la peau blanche. Au début, hésitant, Rémi dessine du bout des doigts le corps allongé, et la chair émouvante dans la mouvance des caresses l’enhardit.

Rémi regarde Marie, qui à son tour, le regarde. Le désir les aspire, dévore les heures suivantes, puis jambes mêlées, souffle paisible, les corps s’endorment.

Au matin, Rémi se réveille sous le regard serein de Marie. L’atmosphère printanière auréole le jour et le corps nu de Marie. Troublé, Rémi effleure les lèvres, murmure bonjour, cueille le sourire de Marie. Respire sa peau.

L’enlace fort.

Ils se regardent encore.

Comme une promesse à venir aujourd’hui teinte déjà leurs lendemains.

Les Plumes d’Asphodèle chez Emilie. Seize mots à placer dans le texte : PLAISIR HASARD PROFITER CUEILLIR AUJOURD’HUI LENDEMAIN ROSE SEREIN POISSON PROLIFERATION LATIN IMMEDIATETE MARGELLE DESIR DECADENT DEVORE

Crédit photo : Pinterest

37 réflexions sur “Quartier Latin, quatre heures du matin.

  1. Que j’aime « l’ordinaire qui se pare d’extraordinaire ». Un texte frais, sensuel.
    Nous avons tous la faculté de faire de notre ordinaire un extraordinaire, dans la sensualité, dans le rire , dans le fascinant ou autres, mais pour cela, il faut écouter la réalité de soi et non pas suivre les diktats.
    Ton texte est un appel à l’écoute de ses émotions, envies et il prouve qu’il y a une voie à l’extraordinaire dans la vie. Marie et Rémi suivent cette voie et ils ont bien raison.
    Belle journée à toi 🙂

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    1. Une nouvelle fois tu pointes du doigt avec beaucoup d’acuité, ce que j’ai voulu dire et qui va bien au delà de la rencontre relatée dans le texte. Il raconte tous ces petits instants qui frôlent le merveilleux et transforment le quotidien à celui qui reste à l’écoute. Pas besoin d’aller chercher au bout du monde l’extraordinaire, est tout près 🙂
      Merci Val. Belle soirée à toi.

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  2. Le coup de foudre ! Celui dont on rêve ou rêvait ! Il est si joliment raconté ! Rémi et Marie, soyez heureux longtemps, à l’image de ce que vous venez de vivre. Et si la vie vous séparait, il restera le souvenir merveilleux, évanescent de ce moment unique ! Vive la jeunesse, vive l’Amour ! 😀

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  3. Bon jour,
    Je retiens : « … il faut suivre le cours de l’inattendu. »
    Quand les routes s’entrecroisent des espaces nouveaux s’ouvrent comme à construire d’autres moments dont on ne sait le devenir mais dont le présent gourmand, parfois, nous rassasie pour notre bonheur … 🙂
    Max-Louis

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