
Bruno avait été un enfant téméraire, réfractaire à l’autorité paternelle. Il n’aimait ni l’école, ni travailler la terre de son père. En classe, il trouvait le temps long, ne s’égayait qu’au moment de la récréation. Ce temps-là fut néanmoins vite révolu, le jour où il réussit à grimper au plus haut du seul platane de la cour. Il avait sept ans, et pour seule réponse à son entêtement il avait dit vouloir toucher les nuages. La raclée qu’il reçut de son père le soir-même, le dissuada de réitérer l’exploit en public.
Dans la campagne environnante, il choisissait des arbres aux branches basses afin de faciliter son ascension ; puis le temps passant et l’aisance acquise, il prit des risques calculés. Les réflexes étaient pourtant innés. Saltimbanque dans l’âme avant même de connaître l’art de l’acrobatie.
Les jambes suspendues à la branche, le corps plongé dans le vide, Bruno voyait, comme une métamorphose, l’univers à l’envers. Et en oubliait le poids de la terre.
L’été de ses dix-huit ans, embauché pour toute la saison à l’auberge de la ville voisine pour y faire la plonge, il rencontra Cécile. Elle servait en salle et ne croisait guère Bruno. Pendant ses pauses, elle ignora longtemps qu’il l’observait.
Elle s’adossait au parapet de pierres pour fumer. Bruno, devant ses éviers, attendait toujours le moment où elle écrasait sa cigarette. C’était un moment qui, à ses yeux, s’ouvrait sur un instant saisissant. Cécile jetait un œil autour d’elle, comme pour être certaine de ne pas être vue, puis, avec dextérité, à la seule force de ses bras pour escalader le parapet, elle se hissait sur la bande étroite. Elle se tenait debout, fière et droite. Le regard portait loin. Et, les bras tendus pour maintenir son équilibre, elle avançait.
Du haut du muret elle paraissait aérienne, comme en lévitation. Nulle peur dans ses yeux, nul vertige annonciateur de chute. Elle marchait avec grâce, comme un funambule sur son fil.
L’hiver qui suivit, Bruno et Cécile réinventèrent le monde. Tous deux sous le duvet, à l’écoute du feu froufroutant dans l’âtre, les nuits froides se teintaient de projets d’avenir. Ils se nourrissaient des crêpes au sirop d’érable et regardaient des films qui racontaient des histoires de voltiges et d’acrobaties. Parfois le tragique dérivait vers l’horreur quand l’un des circassiens tombait de si haut qu’il ne s’en relevait pas. Bruno, conscient des dangers, ne pouvait cependant envisager l’avenir que dans les airs.
Ils prirent la route. Nomades des temps modernes, saltimbanques passionnés, les numéros répétés et présentés entretenaient la passion.
Bruno, au-dessus du monde, libre de tanguer sur l’air, loin de la terre, frôlait enfin chaque jour les nuages.
Les plumes d’Asphodèle, chez Emilie. Onze mots à placer : DUVET HORREUR AIMER TEMPS FEU FROUFROUTER VERTIGE SIROP FROID FRÔLER FILM ROULETTE RISQUE REFLEXE
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Crédit photo : source inconnue
un texte qui me parle !! car quand je vais sur des montagnes ou des monuments hauts, mes parents ou amis ont toujours peur que je tombe car je m’approche trop près du vide
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Alors tu as frôlé les nuages, toi aussi ?
Bon week-end Julien !
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moi aussi !
Bon weekend Laurence !!
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Quoi de plus beau de frôler les nuages en équilibre? enfin, c’est beau pour la personne qui a la chance d’avoir de l’équilibre 😉
Tu nous emmènes, une fois de plus, dans un nouveau lieu avec de nouveaux personnages pour partager leur monde. Merci à ton imaginaire d’être 😉
Belle journée Laurence
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Tu dois pouvoir les frôler toi aussi, quand tu monte haut… 🙂
Merci à toi, Val.
je te souhaite un bon week-end.
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Un très joli texte.
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Merci Nadège
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Tu t’amuses à nous raconter de belles rencontres, ces temps!
Encore une fois, celle-ci est magnifique!
Bises
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Merci Emilie 🙂
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Quel magnifique texte !
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C’est gentil, merci Lydia
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J’arrive tard et tout à été dit ! alors je le redis : magnifique ! j’attends (paisiblement) le roman de leurs vies aériennes 🙂
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Pour ma part je reste mitigée. Je suis loin d’être arrivée à exprimer ce que je souhaitais… les mots ont été vraiment contraignants 🙂
Merci Carnets.
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Tiens voila une occupation pour la baronne de Lydia !! je l’imagine avec les amis sur la corde lol
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Oh, on va laisser ça à Cécile, bien plus gracieuse que ma Baronne !
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Elle peut lui donner des cours, si besoin 🙂
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Je pense que la Baronne l’enverrait vite paître !!! 🤣
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🙂
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😀 !
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Tutoyer les nuages… quel beau rêve !
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De pouvoir le vivre, c’est encore mieux ! 🙂
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Bon jour,
Je retiens : « Saltimbanque dans l’âme avant même de connaître l’art de l’acrobatie. » Comme tous les talents et génies, avant tout diplôme, l’essentiel est déjà inscrit dans les fibres … 🙂
Max-Lous
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Oui, il y en a pour qui c’est une évidence dès les premiers pas… les veinards 🙂
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Le baron perché s’est envolé !
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🙂
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« Et que le vaste monde poursuive sa course folle » de Colum McCann…
Ton texte me fait rêver et évoque l’un des plus beaux romans que j’aie lus 🙂
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C’est un très beau compliment. Merci beaucoup Alma.
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Une histoire pleine d’envolées !
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Il en faut bien pour rester sur terre 🙂
Merci Anne !
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