Le patron m’avait dit, tu files à la plage, il s’y passe un truc bizarre. Fais vite, si on est les premiers sur place on aura l’exclusivité.
J’ai pris un taxi-parapluie pour m’y rendre. De nos jours il est le moyen le plus fiable de se déplacer. La ville était étonnamment silencieuse. La brise soufflait une odeur que je n’arrivais pas à identifier. Une odeur à la fois étrange et familière, qui prenait de l’ampleur au fil des kilomètres.
Je survolais les toits de tuiles ocre et rouges et effleurais les nuages d’une main distraite, si bien que sous la caresse, les cumulus s’étendaient dans le ciel jusqu’à se prendre pour des cirrus. On filait vite, prenant les courants de dérive pour mieux traverser les mouvements d’air et moins d’une heure plus tard le taxi-parapluie stoppait déjà au-dessus de la station des marées. Bien sûr, celle-ci n’en avait plus que le nom depuis longtemps. La majorité d’entre nous avions oublié comment se dessinait le rivage avant le grand changement.
Il y avait foule. Une multitude de pépins de toutes couleurs avec passagers plus ou moins impatients attendaient leur tour pour débarquer. La file était si longue qu’on se serait cru en pleine saison estivale. Pour sûr, nous étions nombreux, comme attirés par un parfum étrange sur lequel nous n’arrivions pas à mettre un nom. Sur l’esplanade des vents passagers, outre les gens, je devinais la silhouette d’el catrin qui se faufilait déjà vers la plage. Si je ne réagissais pas rapidement, j’allais me faire voler mon scoop par cet énergumène. Lui et moi avions quelques divergences de travail et de style depuis l’affaire de l’œuf et la poule. Si j’avais un moment, je vous raconterais cette histoire, mais là franchement le temps me manquait.
J’ai brandi ma carte de presse comme passe-droit et j’ai pris la première échelle qui se présentait pour descendre sur la terre ferme. Je tanguais un peu, ivre de vent et d’effluve odorant. Plus j’avançais plus l’odeur était palpable. Des souvenirs lointains revenaient avec fulgurance.
Le littoral s’étendait devant moi, immense langue de sable sauvage. Je humais l’air et le moindre courant me renvoyait une bouffée d’iode et de varech mêlés. C’était à la fois incongru et familier. Une résurgence à laquelle personne ne s’attendait et pourtant elle retrouvait sa place légitime. Au loin, on entendait la musique d’un orchestre et le son du tambour vibrait comme en écho avec celui qui venait de la plage. Les vagues. Les vagues léchaient à nouveau le sable.
Sous le choc, la foule se taisait. Il y eut alors comme un temps extensible, une infinité de temps étirable où chacun d’entre nous, le regard porté vers l’horizon contemplait abasourdi, la mer autrefois disparue. Elle s’étendait à perte de vue, aussi loin que la terre pouvait la porter.
On hésitait encore, entre rêve et réalité, respirant l’empreinte de toutes les senteurs maritimes. Dans le ciel, les oiseaux plongeaient dans la mer comme une renaissance acquise.
Pour l’agenda ironique d’octobre, hébergé ce mois-ci par Victor Hugotte. Il fallait raconter en huit différentes étapes une histoire où un personnage se dirige vers la source d’une forte odeur. Les détails sont à lire ICI
Avec un petit clin d’oeil à Carnets Paresseux qui au mois d’août avait fait disparaître la plage 🙂
Laurence, sais tu que tu es nominé ex-aequo avec Vérojradine et Toulopéra pour animer l’agenda de novembre ? (je me suis désisté).
Vois avec elle et lui comment vous vous y prenez, si vous faites un trio, un duo ou un solo, et lequel 🙂
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Je vais voir ça. Merci Carnets.
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Une Mary Poppins qui passe au travers de cet insolite, on a envie de lire plus … Merci de cette belle nouvelle Laurence et bravo !
Belle soirée à toi
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J’ai adoré !
Bonne soirée, Laurence.
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Merci jean-Louis 🙂
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Merci pour cette histoire cousine de celle-ci, et si la plage ailleurs disparaît, alors c’est que les histoires se tiennent par les imaginaires comme d’autres par la main
https://carnetsecrits.wordpress.com/2018/06/25/lautre-conte-de-la-mer-morte-part-i/
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En retour, merci d’avoir déposé quelques mots ici, Etienne.
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Excellent, j’aime beaucoup cette micro-nouvelle qui en raconte tant en si peu de mots !
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ça me fait plaisir. Merci beaucoup, michusa
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Une petite nouvelle passionnante et palpitante. Dès le départ on s’inquiète puis on plonge dans une ambiance qui a une une odeur de fin du monde.
Et puis, petit à petit, au fil des mots, l’espoir renait et on respire à nouveau avec cette mer qui réapparait laissant place à une renaissance.
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C’est cela, oui. Merci Yann
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Bonjour Laurence,
Ton histoire est palpitante et jusqu’au bout nous prenons la vague, ivres de bonheur…
Quand la mer reparaît, la joie renaît.
merci pour cette histoire originale qui m’a fait prendre l’air et espérer ma prochaine promenade au bord de l’eau.
Bonne journée Laurence
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La plage est revenue! C’est mergnifique! Un tres joli tableau surrealiste. Quelle trouvaille ces parapluies taxi! Inspire par les sorcieres et leurs balais? (Pardon pour le manque d’accent. Ils se sont fait la malle temporairement). Merci du voyage sensoriel!
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Inspirés plutôt par Mary Poppins ! 🙂
Merci à toi, j’ai trouvé le thème ouvert à pleins de possibles… Tout ce que j’aime !
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Pardon.pas les mêmes baleines bien sûr
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Très chouette car plein de poésie. C’est un univers que J’aime. Pour les taxi-parapluies , ils ont essayé à Cherbourg mais il y en a qui ont vrillé par l’action et du vent et certains sont partis en piqué dans la mer et ont croisé des baleines mais les mêmes que dans le parapluie…Enfin bref, tu as trop lu Mary Poppins et grand bien te fasse 😉
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Merci Alan, ça me fait plaisir.
A choisir, je laisse les parapluies de Cherbourg pour celui de Mary Poppins.
Bien vu, j’ai pensé au sien dès que le parapluie a fait son apparition ! J’ai toujours rêvé de voyager de cette façon 😉
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Avec l’écriture le rêve devient réalité. L’impossible possible 😉
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Oui, merci Laurence d’avoir retrouvé la plage que ce malicieux Carnets a fait disparaître 😉
Un récit proche de la réalité finalement, tant d’odeurs, de sensations, de paysages ont disparu en l’espace de quelques années…
(tes taxis-parapluies me font rêver!)
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En fait, Carnets a fait disparaître la plage, et moi la mer 😉
Oui, c’est vrai, on est proche de notre réalité. J’ai beaucoup pensé à la mer d’Aral quand j’ai écrit ce texte.
Tu sais, je n’ai rien inventé, Mary Poppin’s l’a fait avant moi 😉
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Insolite et qui sait prémonitoire un jour… Comme toujours des mots qui nous tiennent en haleine jusqu’à la fin, j’aime bien ces ateliers d’écriture même si je n’y participe pas. Bonne semaine Laurence
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Merci Marie pour ce retour très plaisant.
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oh, excellent ! et merci pour le clin d’oeil 🙂
je suis content que la mer soit revenue !
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Merci Carnets ! 🙂
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