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Tandis que j’avançais la confiance fragile, Julie débordait de naturel et d’assurance et croquait l’existence avec enthousiasme. Dès les vacances, elle arrivait au village, délaissait les robes et se vêtait d’une jupe-culotte usée, d’une paire de baskets aux lacets colorés et pull trop grand. Le petit bois à la sortie de la commune était le lieu de nos rendez-vous. Enfants, nous jouions à qui franchirait à vélo le « fossé de la mort ». De belle largeur, bourré de feuilles et de glands selon la saison, il fallait pédaler vite, ne pas ralentir l’allure et une fois le fossé traversé, esquiver les racines du vieux chêne. Je ne comptais plus le nombre de chutes, les genoux et les mains écorchés en dérapant dans l’entrelacs des racines. Entouré d’une majorité de pins, de fougères et de bruyères, le chêne était immense et large, ses branches si basses qu’il abritait la plupart de mes confidences. J’y venais de temps à autre déverser l’absence de mon père et la tristesse de ma mère. Quelquefois Julie m’y rejoignait. L’arbre devenait alors notre foyer. On s’allongeait dessous, les bras croisés sous notre tête. Nos vêtements s’imprégnaient des odeurs de la terre. Je respirais à plein poumons celle des feuilles et celle de la résine des pins maritimes jusqu’à saisir le parfum discret de Julie.
L’hiver, le chêne nous protégeait de la pluie, et malgré l’humidité et le froid, le moment était paisible. L’été, sous les branches, le soleil se dévoilait par intermittence et Julie tendait son bras, bougeait les doigts de sa main d’un geste délié et gracieux. Sa peau blanche découverte se revêtait tantôt d’ombre, tantôt de lumière. Julie jolie, pensais-je sans le lui dire. Ses petits seins bombés sous le débardeur, ses lèvres charnues, sa chevelure brune, les courbes rondes de son corps. Le parfum de sa sueur mêlé à celui de son savon. C’était tout un ensemble qui fusionnait, balayait le vide de ma vie sentimentale. Je regardais Julie, je me disais qu’elle n’ignorait rien des sentiments qui m’animaient alors qu’elle me parlait de ce garçon qui l’attendait en ville. Sous le chêne, protégée des regards et des jugements, Julie m’autorisait à l’aimer en silence. Ce fut là, sous l’ombre rassurance des lourdes branches, le dos calé contre l’écorce que je compris combien mon attirance pour les filles allait me compliquer l’existence au village.
Pour être libre d’aimer toutes celles qui voudraient bien de moi, il me fallait partir.
Pour les plumes d’Asphodèle chez Emilie Du thème NU, 14 mots à insérer dans le texte : découverte, blanc, vide, confiance, croquer, naturel, grand, métal, dévoiler, culotte, tête, froid, foyer, fusionner. (j’ai fait l’impasse sur métal)
Jolie chute. Et tout ce qui précède est joliment écrit. J’aime beaucoup.
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
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Merci Celestine ❤
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Encore un très beau texte. Si vivant et réaliste. Je suis toujours admirative de voir où tu nous emmènes avec quelques mots désignés.
Aimer comme on le désire n’est pas simple.
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Détourner les mots désignés pour tenter d’écrire un texte qui n’a pas de rapport avec le thème est le vrai défi selon moi. 🙂
Merci beaucoup Val.
Bon week-end à toi
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tres beau texte, merci !
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Merci à toi Michusa !
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Rigolo le parallèle avec l’auteur qu’Aunryz invite à découvrir dans ses mots liés aujourd’hui aussi.
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Ah oui ? Lequel ?
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Si je ne me trompe pas, Pauline Dellabroy-Allard et son livre « Ça raconte Sarah ».
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Merci. j’irai voir ça 🙂
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Très beau texte ! Quelle sensualité !
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Merci Lydia !
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Tu écris d’une façon admirable, très sincèrement. Une chute très belle sur cette attirance, cette sensualité.. Beau week-end Laurence
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Touchée…
Merci Frédéric.
Bon week-end à toi aussi
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Ah… c’était au pied d’un gros marronnier que j’ai laissé de beaux souvenirs… 😉 Joli texte où je me reconnais un peu. Merci Marina
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Les marronniers c’est bien aussi 🙂
Merci patchcath
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La simplicité de l’amour qui peut bouleverser et compliquer toute une vie…
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Oui, Marlabis et tant que les préjugés demeureront, c’est encore plus compliqué d’aimer simplement…
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Félicitation pour ce très joli texte. Et pourtant, la littérature n’est pas vraiment ma passion. C’est dire… 😉
Bise et bon weekend, Laurence.
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Ah ça, quel beau compliment !
Merci beaucoup Fil.
Bise à toi aussi.
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Oh mince !
Ce texte à la fois fluide et riche me rappelle de vieux souvenirs 😉
Je vais avoir un samedi nostalgique 😀
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haha, les arbres cachent bien des souvenirs 😉
Merci Emilie !
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Un très beau texte qui pourrait faire réfléchir certains obscurantistes qui hélas reviennent à grands pas dans leurs bottes car il parle d’amour, simplement et rien que d’amour.
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Tout à fait Alma ! Je me rends compte que j’ai écrit un certain nombre de textes qui relatent ce sujet et plus les années passent plus le droit d’aimer est mis à mal… quelle régression ! 😦
Merci, Alma.
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J’aurais tout à fait pu écrire ce qu’à écrit IOTOP. Ces mots sont très beaux et comme toujours ton style me plait. Bon w-e Laurence.
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Merci infiniment Marie.
Bon week-end à toi aussi
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Bon jour Laurence,
Diantre ! Très beau texte (comme toujours) et je retiens : » … ses branches si basses qu’il abritait la plupart de mes confidences… »
Le partir pour éclore… ce texte nous met devant l’évidence que la morale, la culture, le regard … sont le carcan de toute évolution de l’humain …
Max-Louis
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Oui, et la morale a bon dos… 😦
Merci Max-Louis, très touchée de ton retour.
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quel beau texte! jusqu’à la chute, bravo!
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Grand merci Adrienne !
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Une décision importante prise sous la protection et la bienveillance d’un chêne, c’est parfait !
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Merci Marinade !
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