Samedi, nuit d’été

Samedi, nuit d’été.

Je t’écris à l’heure où l’horizon s’enflamme de couleurs tropicales. Ici, après un long hiver sec, le thermomètre affiche des records de canicule. Le vent du sud souffle depuis plusieurs jours. Le saule pleureur effleure sans cesse la surface flétrie du lac pendant que les branches du chêne dansent un ballet farouche. Je me rappelle ces après-midis d’été où tu dessinais sur ton carnet, assis sur le ponton, les pieds dans l’eau. Chaque détail esquissé révélait le plaisir de saisir la lumière sur l’eau, l’ombre des roseaux, le vol d’un oiseau. Je te voyais depuis la fenêtre de l’atelier, concentré sur ton travail, et je restais immobile jusqu’à ce que tu tournes la tête vers moi. Je devinais ton sourire dans ce geste silencieux que tu m’adressais. Je n’avais pas besoin de plus que ce signe pour me remettre à peindre jusqu’à la tombée du jour. Il accompagne encore ma main sur la toile aujourd’hui comme le prolongement de ce que nous sommes l’un pour l’autre.

Je suis passé voir ton père. Il râle contre toi qui as décidé de faire ce voyage, contre moi qui t’ai laissé partir. Il a moyennement apprécié la carte postale que tu lui as envoyé avec la citation de Lamartine « la vie est un mystère et non un délire ». La fraîcheur de son accueil a cependant été de courte durée lorsque j’ai éventé notre petit secret. Mon ventre s’arrondît et comme en réponse à la vie qui pousse en moi, je peins des toiles immenses animées de passion et de couleurs vives.

Les cigales se sont tues. Le chant des grenouilles envoute la nuit et le lac. Je vais dans le mouvement lent de ceux qui aiment, respirer le parfum sauvage de la sève et je t’attends sans impatience. Tu le sais bien, nos âmes ont dans le regard le reflet de nos étendues vastes.  

Les plumes chez Emilie. Du thème Fièvre, treize mots à placer : regard, délire passion, danser, samedi, nuit, thermomètre, tousser, ombre, fraîcheur, envouter, enflammer, éventer

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