Agenda ironique de juillet

Ce mois-ci l’agenda se trouve chez Emmanuel Glais. Il y est question de contrainte au choix à piocher ici Oulipo Contraintes et puis d’ajouter cette phrase de l’Abbé Prévost dans Manon Lescaut en début ou fin de dissertation :

« Après avoir soupé avec plus de satisfaction que je n’en avais jamais ressenti, je me retirai pour exécuter notre projet. »

Pour les détails, les dates de rendu des textes et autres précisions c’est à lire chez Emmanuel Glais

Agenda ironique. Les textes – Les votes

Voici venu le temps de lire ou relire les textes que cet agenda de juin vous a inspiré. Pour rappel, vous avez jusqu’au 30 juin pour lire, voter pour 3 de vos textes préférés et pour élire celui ou celle qui hébergera l’agenda ironique de juillet.

Merci pour vos récits, histoires et poésies qui ont nourri l’imaginaire de ce premier mois de l’été.

J’ai embrassé une nuit d’été et Le Choix chez La Licorne

Le germe du silence et Dans les pousses du silence chez Jobougon

Onésime et les bruits chez Gibulène

Le texte de By Marie à lire dans les commentaires Ici

Nettoyage chezVictorHugotte

Avant-gardiste chez Mébul

Les quatre saisons -L’été Chez toutloperaoupresque

L’été la nuit chez Emmanuel Glais

A l’impossible, nul n’était nu chez Des Arts et Des mots

Trésor du temps chez Vérojardine

Et le silence tourne en rond chez Le dessous des mots

De l’impossible possible ça c’est chez moi

Hors délai mais accepté avec plaisir : De l’impossible possible chez Pigraï’s Flair

De l’impossible possible

L’été, la nuit les bruits sont en fête. On en a un aperçu dès le coucher du soleil, lorsque l’indigo se fond dans le fleuve. La ville se teinte de nuances claires obscures et les bruits s’animent de tonalités nouvelles. Il n’est pas rare d’entendre le murmure du jour prendre son temps pour s’éclipser et c’est à cette heure qu’il appartient au conteur de narrer son histoire.

Le jour dont je vous parle, j’étais accoudé à mon balcon à écouter la saison sur tout ce qu’elle a à nous dire. Habituellement elle retentit jusque dans les rues, ricoche sur les murs des maisons et tinte au-dessus des champs. Les bruits engendrent les sons et les sons les bruits c’est bien connu. Ce jour-là, pourtant, le vent même s’était tu. La texture du monde avait pris un drôle d’aspect, les champs se drapaient de formes étranges et comme poussés par un souffle pourtant inexistant, les bateaux à voile voguaient sur le fleuve miroir. Quant aux oiseaux, ils voyageaient de métamorphoses en métamorphoses à contre-courant de leur vol habituel.

C’est, je crois, à ce moment-là que j’ai vu l’impossible poursuivre le possible. L’un tentait d’échapper à l’autre et cela ressemblait à une danse improbable et tout autant surprenante. J’ai interpellé mon voisin afin qu’il soit témoin de l’incontestable, mais trop occupé à presser des oranges bleues sur son cœur amoureux, c’est à peine s’il m’a regardé. J’ai alors pris la décision de suivre les deux opposés. Je voyais le possible redoubler d’ardeur pour fuir l’impossible mais celui-ci gardait le rythme et la distance s’amenuisait au fil de leur course. Leurs pas frappaient l’asphalte en cadence. Au tournant de la rue principale je suis tombé sur une manif d’objets hétéroclites qui revendiquaient leur indépendance. Aucun doute, ai-je pensé, l’impossible est au centre de tout cela. Malgré moi je me suis retrouvé emporté par le flot. J’ai cherché des yeux le possible, perdu dans la foule, affolé de frôler l’utopie et l’aberration. Son souffle battait le probable, s’accrochant au vraisemblable alors que le soleil se levait pour la deuxième fois de la journée. Pourtant, me disais-je, à les voir tous les deux il était évident que dans l’impossible vit aussi le possible, il allait bien falloir que ce dernier l’admette.

J’étais persuadé que pour ancrer cette histoire dans la réalité il fallait que je la raconte. Aussi lorsqu’une échelle et un arrosoir, bras dessus dessous sont passés devant moi j’ai cherché leur attention, levant la main en signe de bonjour, mais aucun n’a tourné le regard vers moi. A croire que j’étais devenu invisible. Dépité, j’ai rejoint le fleuve, observant le monde qui se gondolait au tempo des marées alors que le soleil n’en finissait pas d’éclairer les heures.

Je me suis assis sur le bord du quai, les pieds frôlant l’eau, dans l’espoir d’attirer les poissons pour leur narrer l’étrangeté de ce jour d’été. La lune s’est faite discrète comme la nuit. Peut-être fallait-il attendre que la réalité de la situation cesse pour mieux me faire entendre. J’ai frémi à l’idée qu’il me faille écrire noir sur blanc cette histoire. Qui viendrait lire les dires d’un conteur sans voix ? C’est un peu démoralisé par la situation que j’ai soudain vu l’impossible venir jusqu’à moi, me regarder avec un franc sourire et me dire de ne pas m’en faire. Sois patient, a-t-il dit, il faut du temps au monde pour accorder de l’importance à ce qui est. Alors j’ai patienté pendant que la nuit grignotait enfin le jour. C’est là, entre chien et loup, que j’ai vu l’impossible enlacer le possible et le geste avait cette certitude de l’irréalisable accessible. Au loin les bruits de la manif se délitait, les objets, dans un joyeux capharnaüm, rentraient chez eux. J’ai entendu un rire joyeux derrière moi. Un rire qui m’invitait à prolonger l’impossible possible. C’était bien la peine de m’en faire, me suis-je dit tout à coup rassuré, parce que tout conte fait l’impossible pour être conté et finalement, j’ai rencontré une brouette, et j’ai pensé qu’elle me prêterait une oreille attentive. 

Pour l’agenda ironique de juin où il était question (entre autre) de s’inspirer de la citation de Lewis Carroll « Il venait de se passer tant de choses bizarres, qu’elle en arrivait à penser que fort peu de choses étaient vraiment impossibles »

Agenda ironique (dix jours pour écrire)

Tic-tac, tic-tac, tic-tac ! L’horloge tourne pour l’agenda ironique de juin, alors si l’impossible vous semble possible, il reste un peu plus d’une semaine pour écrire ce que vous inspire ce thème. (Disons jusqu’au 26 juin, soyons fous !) Tous les détails du thème sont à lire ICI

Actuellement l’agenda compte cinq participantes dont vous pouvez lire les textes : La Licorne, J’ai embrassé une nuit d’été ; Jobougon, Le germe du silence et Dans les pousses du silence ; Gibulène Onésime et les bruits ; By Marie à lire dans les commentaires ICI et enfin VictorHugotte Nettoyage

Au plaisir de vous lire

Agenda ironique de juin

« Il venait de se passer tant de choses bizarres, qu’elle en arrivait à penser que fort peu de choses étaient vraiment impossibles » Lewis Carroll

Pour l’agenda ironique de juin, l’impossible devient possible ! A partir de la citation de Lewis Carroll et des illustrations de gravures de M.C. Escher proposées, imaginez que l’impossible devienne possible.

Petite contrainte supplémentaire : il faudra débuter votre récit avec la phrase d’ E Allan Poe : « L’été, la nuit les bruits sont en fête » et le terminer avec celle de Lewis Carroll (encore lui!) : « Finalement, j’ai rencontré une brouette, et j’ai pensé qu’elle me prêterait une oreille attentive. »

Le lien de votre texte pourra être déposé en commentaire ci-dessous jusqu’au 24 juin. Ensuite, lecture pour tous et votes jusqu’au 30 juin.

Bonne inspiration et à très bientôt de vous lire

Visuel : M.C.Escher

La fidélité ou l’art du mouvement passionné chez Georgios Îlyfékuoi

Georgios Îlyfékuoi (1889-1938)

Artiste-peintre d’origine grecque précurseur du mouvement passionné.

La fidélité (1920)

Huile sur toile

70 × 90 cm

Galeria Noctámbulo Madrid

La fidélité de Georgios Îlyfékuoi est une œuvre particulière dans le parcours du peintre. Elle a longtemps divisé les critiques d’art car beaucoup furent tentés d’y mettre un sens moins sentimental que celui évoqué par Georgios Îlyfékuoi, – sans doute heurtés par la liaison que l’artiste entretint avec la jeune Pepita Micorazon, alors mariée au collectionneur d’art Don Diego.  À plusieurs reprises l’œuvre fut ainsi séparée de sa recevabilité entre l’hommage à la jeune amante et l’étude du mouvement passionné. Il est pourtant bien question d’hommage et pour être plus exact de double hommage. En effet, Georgios Îlyfékuoi fou amoureux de la jeune andalouse s’invitait très souvent chez le mari de cette dernière. L’hommage à la fidélité de l’amour qu’il éprouve pour Pepita, certes discret sur cette toile n’en est pas moins bien réel. Ici, l’artiste met en scène Pepita Micorazon et son chien « Keskecébo » lors d’une promenade dans le parc de la propriété. L’animal et la jeune femme sont très complices, (on décèle d’ailleurs dans la correspondance épistolaire qu’entretinrent les deux amants, une pointe de jalousie de la part de l’artiste qu’il niera avoir eu envers « Keskecébo » même si une rumeur circula comme quoi il peignit cette toile pour faire taire les mauvaises langues)

Georgios Îlyfékuoi pose son regard à ras de patte, le tableau centré sur le mouvement, mettant en valeur l’évènement central du sujet. Rappelons que l’année où Îlyfékuoi Georgios entreprit de peindre La fidélité, (1920) l’artiste a déjà fait cinq voyages en Andalousie, trois en été et deux en hiver. Le sud de l’Espagne est source d’inspiration, auréolée de la passion qu’il éprouve pour Pépita. Il y peindra trois toiles et plusieurs carnets de croquis sont consacrés à cette période. Pour travailler il aime particulièrement s’installer à la cave, où comme beaucoup de maisons bourgeoises de l’époque celle-ci possède un soupirail en façade. Le peintre prend l’habitude d’esquisser quelques croquis, lors des fortes chaleurs de l’été. Bien sûr il y fait frais mais là n’est pas le but de l’artiste. Il y trouve matière à changer son point de vue, observant ainsi la rue et le passage des promeneurs d’un regard rasant;

La fidélité est une danse explicite dans le balancement des pieds chaussés à laquelle le chien fait écho. C’est une invitation cohérente et fiable, loin de toute mascarade, dévouée au lien qui unit la jeune femme et le chien. Le chien fidèle suit le mouvement, chaque pas entraine le suivant, dans un rythme similaire, le tout fondu dans une sobriété qui reflète l’importance de l’unité entre l’un et l‘autre si bien que la distinction du rythme échoie autant à la jeune fille qu’à l’animal. On est très loin des confinités de l’époque et on peut sans mal associer l’idée que le peintre a donné sens à quelques mitochondries par le fait même d’y peindre l’animal en mouvement. La vivacité traduite du dit mouvement est à l’époque considéré comme une révolution dans le rythme. Georgios Îlyfékuoi le dit lui-même, « La fidélité englobe l’enthousiasme et la fouge d’un lien qui demeure fort et rien ne s’apparente moins au trompe-l’œil que cette fidélité-là » Cependant il est bon de souligner, – même si Îlyfékuoi ne l’évoque pas explicitement – que le peintre puise le rythme plein de fièvre de ses oeuvres futures de la danse andalouse, le flamenco, qu’il découvrit lors de sa première venue. Cette danse passionnée changera son regard sur le mouvement.

On pourrait croire que Georgios Îlyfékuoi donne ici une représentation classique de la diligence pourtant il transcende la vitalité d’une scène classique avec un sens audacieux et énergique qui reste à ce jour rarement égalé.

Pour l’agenda ironique de mai hébergé ce mois-ci par Des arts et des mots sur le thème « peinture et tableaux » il fallait rédiger le cartel du tableau et imaginer une critique d’art parmi 5 tableaux proposés Le tout parsemé de quelques mots imposés : Confinités- Révolution- Mascarade- Mitochondries- Trompe l’oeil et keskecébo

L’oeuvre originale Dynamisme d’un chien en laisse a été peinte par Giacomo Balla.

De villes visibles en villes invisibles

Nous sommes partis un matin avec pour seule boussole l’équilibre précaire des chemins à venir. De villes visibles en villes invisibles la route serpente sans fin – et nous calmons la nôtre avec la saveur de mets locaux. Chaque halte nous éloigne des habitudes, on glisse sur les jours paisibles dans la caresse des nuits ouatées. A entendre le jaquemart frapper le heurt de l’impatience, nous ralentissons encore notre allure. C’est décidé, rien ne presse.

 L’horizon – ample – garde les champs ouverts à la découverte. On peut voir la sève des paysages en courbure nourrir les cités végétales et lorsque nous levons la tête, la canopée devient ciel d’architecture. On devine alors sans peine tous les ponts levés vers les cimes des arbres.

Sur le quai, où poussent les dents-de-lion sauvages, nous attend le dernier bateau volant en partance pour les villes flottantes. A peine embarqués, le vent emplit toutes voilures et vogue au fil des courants ascendants. On s’agrippe fort aux rampes pour éviter la chute et, par-dessus le vide, le chassé-croisé de l’agitation urbaine nous parait dérisoire. Peu à peu, les bonds et les entrechats impatients de la population se perdent dans les circonvolutions anonymes.

 Le ciel est vaste et joueur hasardeux. On cherche toutes formes improbables de nuages. Dindons dodus et poissons-chats s’y vautrent pêle-mêle au gré des vents. On scrute longuement le ciel pour y trouver quelques topinambaulx, mais sans résultat probant. « Peu importe, te dis-je, à défaut d’en voir, c’est déjà bien d’avoir réussi à caser le mot dans ce récit.

Oui, acquiesces-tu. De toute façon, l’essentiel est invisible pour les yeux. »

Pour l’agenda ironique de janvier chez Vérojardine où il est question d’un « road trip », dans une ville, connue, inconnue, imaginaire, terrestre, maritime, céleste… et où doivent figurer les mots, entrechat, rampe, jaquemart, topinambaulx, dents, dindon et terminer le texte par la célèbre phrase du petit prince « L’essentiel est invisible pour les yeux »

La carte à voyager dans le temps

L’avant-veille de Noël, Joan Martines avait débarqué chez moi sans prévenir. Je débordais de boulot et, depuis des jours, je faisais l’impasse sur le ménage de la maison. Je vivais dans un capharnaüm assumé et mon ami, bien que tatillon, ne m’en tint pas rigueur. Il savait combien cette période de l’année était laborieuse pour moi.

Joan revenait d’un périple autour du vaste monde et chacun de ses retours était significatif. Bien entendu il avait apporté son atlas nautique du monde avec lequel nous avions déjà fait nombres de voyages. Dans son bagage il avait également ramené deux bouteilles de Mouton Rothschild 1973 qui selon lui valait son pesant de périples. Déjà l’étiquette en hommage au grand Pablo nous assurait une flânerie agréable.

Après avoir fait un tour complet de la pièce Joan avait repoussé d’un large geste de la main une multitude d’objets qui encombrait la table pour y déplier son fameux atlas nautique.

Sur celui-ci, cartographié par ses soins, on pouvait y voir répertoriés des contrées et des îles qui croisaient les océans. Des percées de terres qui demandaient à être découvertes et d’autres si anciennes que les représenter aujourd’hui transformeraient le monde. On en avait déjà fait le tour de nombreuses fois et même si je connaissais fort bien l’atlas je me suis penché au-dessus pour mieux le détailler. J’aime le travail bien fait et l’exactitude avec laquelle Joan avait cartographié les terres océaniques m’a rappelé le secret qui nous liait. Si j’en jugeais les bouteilles de vin qu’il venait de m’offrir, il ne m’avait pas attendu pour s’adonner au plaisir d’une escapade. Il m’a regardé d’un air entendu tout en nous servant un verre et effectivement le vin valait bien le détour. J’y goûtais un nombre infini de paysages, succession de coteaux et de crêtes entourés de terres basses et humides. Des saveurs qui roulaient sur ma langue et dans ma bouche comme autant de couleurs d’une terre.

A défaut du passé dont on ne parlait presque jamais on a devisé sur l’avenir. On spéculait sur la bêtise humaine qui au fil des siècles ne variait pas. Forcément, ça nous interrogeait, cette évolution par le bas. Puis, le vin aidant, nous avons fini par nous taire pour savourer l’instant et le millésime. De temps à autre nous jetions un œil sur la carte. On n’avait pas besoin de se dire combien l’attirance du voyage était difficile à contenir. On n’avait pas besoin de se dire tout ce que nous avions déjà vécu pour avoir envie de le vivre encore. Et si le vin nous offrait une étape gustative exaltante, l’atlas océanique de Joan, nous proposait un panel d’aventures autrement plus enivrantes.

Je me suis levé du fauteuil dans lequel je m’étais assis et j’ai glissé mon doigt sur la carte. J’y ai tracé un chemin invisible jusqu’aux montagnes de Patagonie, puis j’ai tourné autour de la rose des vents. Joan m’a rejoint. On a fixé le centre de la rose. Ce petit point discret qui avait le pouvoir de nous projeter dans l’univers et les confins de l’espace et du temps. Je vous assure, c’est comme un grand cru, une fois qu’on y a goûté difficile de s’en passer. Tous ces voyages. Tous ces voyages qui mènent à l’essentiel.

Un peu contrarié j’ai regardé Joan et j’ai dit : « T’a pas choisi ton meilleur jour pour venir. J’ai dû boulot par-dessus la tête ». Avisant le bazar qui jonchait le sol et la moindre surface de la pièce, il a souri, a replié la carte et l’a rangé dans le livre Les Voyages Extraordinaires de Jules Verne que ce dernier lui avait offert en souvenir d’une rencontre mémorable. Puis il m’a proposé son aide. « Ce n’est pas de refus, ai-je répondu en songeant à tous ce qui me restait encore à faire. Ma tournée commence demain et je n’ai toujours pas mis la main sur mon échelle. Toi, tu la cherches pendant que je charge le traineau. Je veux bien que tu le conduises aussi. J’ai du sommeil en retard. Et le 25 décembre, une fois la tournée finie, on déplie la carte et on part pour une virée aussi loin que possible ! »

Pour l’agenda ironique de décembre chez Carnets paresseux où l’on part en voyage à partir d’un détail de l’Atlas Nautique du Monde composé en 1582 par mon vieux pote Joan Martines. Il fallait y ajouter deux dates et six mots : Noël, échelle, demain, livre, gouffre et tatillon. (comme souvent j’ai fait l’impasse sur l’un d’eux.)

Quand la Lune trouble la Terre

Quand la Lune trouble la Terre,

Les marées s’étirent

Jusqu’à l’horizon

Où la lumière

Cillent les flots d’argent

On est alors au début du monde,

En bordure de jour et de la nuit,

Là où sans bruit, sans heurt

Une petite perle d’éternité

Glisse sur le temps

C’est avant l’obscurité, quand en retour la Terre chuchote :

« De deux choses lune, l’autre c’est le soleil ».

Et tout l’univers d’approuver bien sûr

Et les hommes – microscopiques ‒, un jour peut-être, la conscience éveillée,

Cesseront enfin de se mirer dans les simulacres

Pour apprécier le manifeste renouvelé.

En juillet l’agenda ironique prend ses quartiers chez Louise Mathurinades et coquecigrues. On y parle de la lune comme on veut avec pour seule contrainte d’insérer une expression française comportant le mot lune. J’ai un peu biaisé avec l’expression française pour une citation de Jacques Prévert piochée dans « Le paysage changeur » Paroles (1946)

Les autres textes lunaires à découvrir ICI

Crédit photo : Pinterest

La ‘zique de l’été

« Approchez, approchez mesdames et messieurs car aujourd’hui grande vente aux enchères ! Dans quelques instants de jeunes apprentis saltimbanques vont vous présenter des mots ! Un mot pour tous, tous pour un mot ! Des gros mots, pour les grossistes, des mots de tête, pour les charlatans, des jeux de mots pour les artistes, des mots d’amour pour les amants. » (La rue kétanou)

Moi, j’ai pas beaucoup de mots pour dire,

Mais bien assez pour parler ‘zique

Ça oui, je peux le dire,

Je peux même vous l’raconter

J’habite au croisement de deux rues

Et chaque année ça me tombe dessus.

Y a pas à dire,

De la nuit la plus courte

Même la fenêtre fermée

Elle devient la plus longue.

C’est dans l’air,

Dans le mouvement des têtes,

Un petit air de fête qui prend des allures de guinguette, de musette,

de fanfare, ou de nouba.

Faut pas croire, j’aime bien ça.

Ecouter une mélodie, un couplet entrainant, une rengaine obsédante.

Mais j’crois pas au mélange des genres, non vraiment pas.

Là, sous ma fenêtre, côté rue de la source

C’est percussions, cordes et cuivres

Ça joue des airs tantôt latino, tantôt techno

Et côté rue de la course,

Au rythme des chants guerriers ou lyriques

Ça joue rhapsodie, opérette, orphéon et litanie.

Moi je vous dis,

Musique de chambre et musique de rue

En confusion et cacophonie,

C’est l’improbable qui se mêle à l’impossible.

Alors je vous l’dis comme je le vis

Moi qui rêve d’un air qui berce pour m’endormir

Me voilà jusqu’au bout de la nuit

A battre la mesure

Des chœurs murmurés à ceux criés

La musique du premier jour de l’été.

Pour l’agenda ironique de juin, chez Vérojardine TOUTES LES FOLIES ET DERISIONS SONT BIENVENUES, MAIS… votre texte fera suite au début de la chanson « les mots » de la rue Kétanou

Peintures : Marc Chagall

Agenda ironique de mai : des petits votes ludiques !

Voici venu le temps de lire ou relire les textes de l’agenda de Mai, un mois poétique inspiré et organisé par Milena de La plume fragile. Un grand merci pour la richesse de tous vos textes ! Pour rappel, vous avez jusqu’au 31 mai pour lire, voter pour 3 de vos textes préférés et pour élire celui ou celle qui hébergera l’agenda ironique de juin.

Vous pouvez lire dans l’ordre ou le désordre Ma Zone chez Victorhugotte, Le parfum chez Mathurinade, En attendant Gasser et Léogramme chez Épaisseur sans consistance ; Voici le mois de mai chez La licorne , Le temps du muguet chez Prose poétique et petits clics, En direction de la direction du hasard chez Le dessous des mots, On navigue à vue de rêves et J’avance autre part chez Palette d’expressions,Samira et Apollon chez La plume fragile ; Dans les jardins suspendus de l’Alhambra chez Jobougon Sensoriel chez Vérojardine ; Un rire, un rien, un hi-han chez Carnets paresseux ; Mai dire chez Le retour du Flyingbum ; Palette et Plume d’expression fragile chez Patchcath ; Le rose invisible chez Différence propre ; Haïkus en mai et Fleurs et démons chez Anna Coquelicot ; Voici le mois de mai chez Palimpzeste

Bonnes lectures !

J’avance autre part

Schizophrène surfant sur l’abstraction, jouant de silences, je marche à contre-courant.

Loin.

Loin

du monde extérieur.

Oiseau des airs imaginaires, j’absorbe les pensées discordantes aussi vite que les maringouins avides de peaux palpitantes. Dans l’infini imprécis je réinvente les danses des mots exaltés, les cris muets au plus haut des toits de toi.

Il se peut alors que dans la muraille de ta normalité rassurante, ton refus de m’entendre me blesse. J’ai l’air d’un énergumène. D’un étrange étranger sans passé.

Ni suite. Ni portée.

Pourtant j’avance. J’avance autre part. Imprécis et lucide. Et J’attends. J’attends que l’on se rejoigne quelque part.

Sais-tu que dans la forêt, les lambrusques croulent déjà sous les fruits ? J’en cueille un et le croque. Jus acidulé de mai tout au fond de ma gorge. Là maintenant, ma main en saisit un autre. Tiens, prends. Celui-ci est pour toi.

Ne t’approche pas trop. Ne me touche pas. Mais ne t’éloigne pas.

S’il te plait. Laisse-moi être moi. Au nom de la folie, le droit d’être fou.

Pour l’agenda ironique de mai, chez La plume fragile. Quatre mots
énergumène, schizophrène, maringouin, lambrusque. Je me suis éloignée du thème et de la poésie de printemps… mais comme ce texte trottait dans ma tête depuis un moment, je le livre tel quel.

Crédit photo : Trustinelements via Pinterest

On navigue à vue de rêves

Allongés nus sur un lit d’herbe folles, au milieu des maringouins assoiffés

Le soleil joue d’ombre et de lumière

Sur nos corps impatients.

La tête en friche

Eloignés des normes et des habitudes de ce monde

On navigue à vue de rêves

L’un énergumène

L’autre schizophrène.

On danse l’air de l’autre

Comme nos sourires en vie de nos corps.

Chairs aimées

Assoiffées de baisers

Et de tendresse éternelle

Nos étreintes au goût de folie belle.

On navigue à vue de rêves

Encore.

L’un énergumène

L’autre schizophrène.

Quant à la nuit, peaux rassasiées, âmes nourries, panses comblées de fruits de lambrusque

Le sommeil nous gagne.

Bon

Jour

Dans

Tes

Bras.

Pour l’agenda ironique, le mois de mai chez La plume fragile. Quatre mots
énergumène, schizophrène, maringouin, lambrusque, un zeste de folie amoureuse, un soupçon de poésie.

Peinture : Gustav Klimt.

Voici le mois de mai (Agenda ironique)

Poème en forme de bouquet de fleurs. Calligramme de Guillaume Apollinaire (1880-1918)

La plume fragile et moi-même avons été désignées pour animer ce nouvel agenda. Par manque de temps, c’est La plume fragile qui mène avec beaucoup de réactivité et de créativité ce mois de mai dont le thème fait la part belle aux textes printaniers. Comptine, poésie et pour corser le tout un peu de folie avec quatre mots à intégrer :
énergumène, schizophrène, maringouin, lambrusque

Les détails de cet agenda sont à lire chez LaPlumefragile

Bonne inspiration à tous.

Au regard de nos manques

Du haut des ponts suspendus

On voit les hommes bouleverser le monde.

Alors on bascule.

La tête à l’envers, on s’imagine frôler l’herbe, fouler le sol, plonger dans la glaise.

Être sève dans la chair ou fourmis tambocha à la recherche des trésors de la terre.

Aussi fragiles et forts que le peuplier dans le vent.

On peut plier sans céder.

 Chuter et se relever.

Être de terre et d’éther, d’or des blés et d’azur du ciel.

Parfum de pluie, bruit de feuilles dans les branches, mouvance dans les épis de pereskia.

Au cœur des corps, la constance des architectes frappe les océans du monde.

Effleure l’horizon des événements,

Chuchote l’avenir.

Au regard de nos manques

Ne pas oublier d’y rester attentifs.

Pour l’agenda ironique d’avril hébergé par Anna Coquelicot de Bizarreries & Co . Cherchez, imaginez, inventez, détournez à partir des épis de pereskia et des fourmis tambocha.

épis de pereskia et fourmis tambocha, nés sous la plume et l’imaginaire d’Aimé Césaire dans le poème Insolite bâtisseurs

Crédit photo Pinterest

Je rêvais les étoiles.

Lampadaire saisi en pleine créativité. Ville de Muret (31) Mars 2019

Murmures de voix et claquements de volets. La ville s’éveillait sur un des derniers matins d’hiver.

J’avais veillé toute la nuit. Durant la soirée j’avais été le pilier incontournable de l’indigent et tenu la chandelle ‒ malgré moi ‒ pendant des heures à un couple qui avait hésité à poursuivre les prémices de leur idylle. J’avais assisté ‒ de loin, mais j’avais la vue perçante ‒ à un règlement de compte sur la place du marché et à plusieurs deals entre revendeurs de drogues et toxicos. Les nuits étaient souvent plus fracassantes que les jours. La population sensiblement différente. Derrières les volets clos, s’animaient d’autres existences. On en parlait parfois entre nous. On avait vu défiler nombre d’habitants aux espoirs mal définis et aux rêves inaccessibles. D’autres qui jouaient la carte du raisonnable et de l’ennui et d’autres encore, celle du tragique. Si beaucoup s’en fichait, nous étions quelques-uns à penser que les générations à venir allaient avoir du boulot pour travailler l’espoir. J’y réfléchissais souvent pendant les heures creuses. Et tout particulièrement ce matin, alors que le soleil tentait de réchauffer la ville. Je songeais à ces utopies qui jouent de chimères. A la résonance d’idées folles. Nous étions nombreux à rêver. Mais les rêves des autres étaient à hauteur de leur suspension. Illuminer une rue, un pont, et pour les plus ambitieux, un quartier tout entier.

Moi, je rêvais plus haut. Je rêvais les étoiles. Celles qui inspirent et respirent les nuits fragiles peuplées d’infortunes, les heures prospères habitées des plaisirs de chair, et tous les instants assombris qui jouent de lumières. Je rêvais. Poète illusionné, enchaîné à la matière et pourtant libre. Je rêvais d’embraser les jours, éclairer les âmes plutôt que les nuits.

C’est ainsi que l’idée m’a traversé l’ampoule sans crier gare. Je me suis dit qu’à défaut de pouvoir changer le monde je pouvais l’embellir. Le célébrer avec des mots, des rimes et des histoires. C’est que voyez-vous, je crois que de l’inanimé nait aussi l’animé. On pouvait voir grand. Ou petit. Peu importe, tant que des fragments d’espoir s’affichaient manuscrits sur l’une de mes faces, et sur celles de mes compères et réverbéraient l’obscurité.

Quatre mots se sont alors imposés : Chesterfiel, Émétique, Atlantique, Évocateur. Ne me demandez pas pourquoi, ça s’explique pas ces choses-là. J’ignorais ce que j’allais bien pouvoir en faire. Mais nul doute j’avais matière à écrire. Et après, ma foi, après.

Espérer illuminer.

L’agenda ironique de mars, chez Max-Louis avec pour thème : Le lampadaire comme il nous plait de le voir et quatre mots à placer, Chesterfiel Émétique Atlantique Évocateur.


On aurait dit une grande fenêtre ouverte qui se haussait au-dessus du sol

C’était un matin du mois de février, ça s’est passé si vite que j’ai eu du mal à réaliser la singularité des choses avant le soir. La journée était belle. Gelées matinales très vite balayées par un soleil hivernal généreux. Les mimosas croulaient sous les fleurs et parfumaient le petit vent. Au bout de la rue il y avait cette trouée, on aurait dit une grande fenêtre ouverte qui se haussait au-dessus du sol. Un petit nuage flottait à l’intérieur, celui de Magritte ai-je pensé avant de voir Alice courir après le lapin blanc. Quoiqu’à la réflexion c’était le lapin qui courait après Alice, et Lewis Caroll, suivait, s’arrachant les cheveux et maugréant contre la jeunesse qui n’en faisait qu’à sa tête. Moi, serviable, j’ai demandé en enjambant la fenêtre oh, Lewis, t’as besoin d’aide ? mais le bougre était déjà sorti du cadre. Enfin c’est ce que j’ai cru, mais en y regardant de plus près j’ai vu au bout de la rue, cette trouée. On aurait dit une grande fenêtre ouverte qui se haussait au-dessus du sol. Un petit nuage flottait à l’intérieur, celui de Magritte ai-je pensé avant de voir Alice courir après le lapin blanc. Quoiqu’à la réflexion c’était le lapin qui courait après Alice, et Lewis Caroll, suivait, s’arrachant les cheveux et maugréant contre la jeunesse qui n’en faisait qu’à sa tête. Moi, serviable, j’ai demandé en enjambant la fenêtre oh, Lewis, t’as besoin d’aide ? mais le bougre était déjà sorti du cadre. Enfin, c’est ce que j’ai cru mais en y regardant de plus près j’ai aperçu Lewis en pêcheur de nuage lever haut sa canne vers le ciel pour tenter d’attraper le nuage de Magritte. Alice était si loin qu’elle ressemblait à un point bondissant vers l’horizon. Le lapin, les oreilles tombantes, ahanait, couché aux pieds de Lewis. Boum, boum, boum ! boum, boum, boum ! faisait son petit cœur affolé. Sa montre avait l’air tout aussi essoufflé, ai-je constaté en voyant les heures tourner trop vite. A présent c’est moi qui m’affolais de la course à venir. Allais-je arriver à temps ? 22h 22 c’était beaucoup trop tôt pour trouver une idée. Et puis j’ai levé les yeux et j’ai vu cette trouée, on aurait dit une grande fenêtre ouverte qui se haussait au-dessus du sol. Un petit nuage flottait à l’intérieur, celui de Magritte ai-je pensé avant de voir Alice courir après le lapin blanc. Quoiqu’à la réflexion c’était le lapin qui courait après Alice. Lewis Caroll, lui, avait lâché l’affaire. Il voulait remonter le temps, trouver comment l’absurde pouvait se doter d’imagination en si peu de temps. Moi, pendant ce temps, je me suis hissée sur le bord de la fenêtre. Je crois que j’aurais pu me laisser aller à suivre les courants ascendants, fragile, fragile dans l’espace-temps. J’aurais pu, mais Lewis a stoppé mon élan, il m’a dit, attends, attends je crois que je me souviens, il a dit, c’est tout simple, j’aurais dû y penser avant même de commencer à écrire Les Aventures d’Alice. Alors piquée de curiosité j’ai demandé, Quoi ? C’est quoi ? Et lui, de me répondre, tout sourire : « Le meilleur moyen d’éviter la chute des cheveux, c’est de faire un pas de côté. »

Agenda ironique, agenda onirique et rêve absolu nous propose Martine avec seule contrainte la phrase de Groucho Marx à placer à la fin du texte.

Avis aux lecteurs : texte écrit à l’arrache et sans filet ! 🙂

Magnifique monde et La Victoire : René Magritte. (1898-1967)

Plongée de mini dialogues divers mêlés de divers mots-valises

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1 – Abomifreux 

— Abomifreux ! Abomifreux ! Est-ce que j’ai une tête d’abomifreux ?

2 – Balument

Entre le balu et le ment mon cœur balance. Oui, c’est un doux balument.

3 – Jumeleine

— Bon ne le prends pas mal, hein ? C’est un compliment… enfin presque. Bref, entre nous je peux bien te le dire, ton rire me rappelle celui de la jumeleine

4 – Polimalie

— Fais gaffe ! Faudrait pas tomber sur les flics.

— T’inquiète ! Je suis maître es polimalie.

5 – Fatalimace

— La situation est grave ! Que dis-je ? Elle est fatalimace !

—  Faut pas dramatiser non plus. On va la retrouver ta coquille.

6 – Eléphantastique

— Non mais regarde-moi ça. Tu n’as pas l’impression qu’elle en fait trop ? Et tout le monde de s’extasier, de dire combien elle est éléphantastique ! Et puis quoi encore ?

— Tu as raison. La trompe ne fait pas le moine. En attendant mets-toi à l’élastique.

7 – Mergnifique

— Incroyable ! Sens-tu l’air chargé d’iode, le goût du sel qui pénètre la peau ? Regarde ! La mer s’approche, c’est marée haute. Regarde, l’étendue mergnifique.

8 – Enchanquise

— Non, merci pas de dessert.

— T’es sûr ? Pour ton retour du grand nord je t’ai préparé un spécial enchanquise.

— Si tu me prends par les sentiments…

9 – Amupliqué

— Ah, quel casse-tête ce problème de math ! Y a que les profs pour penser que c’est amupliqué !

10 – Charonne

— T’as fait quoi ce week-end ?

— J’ai remonté le fleuve Charonne en canoé.

11 – Insolitude

— Tu étudies quoi en ce moment ?

— La science de l’insolitude. Tu n’imagines même pas le nombre de gens qui en sont atteints !

12 – Artificelle

— Oh regarde la belle ficelle bleue ! Et waouh ! La rouge. Et la verte. Et…

— Oui je vois. Je vois aussi bien que toi. Beau spectacle d’artificelle. Pas la peine de le hurler.

13 – Brumageux

— Eh bien qu’est ce qui t’arrive ?

— C’est l’automne. J’ai le moral en berne, le spleen brumageux.

14 – Agengouin
15 – Délicaristique

— Tu me montres les dessins de ton agengouin ?

— Alors qu’est-ce que tu en penses ?

— Joli coup de crayon délicaristique.

16 – Mirififique

Ô miroir, miroir. Dis-moi, suis-je le plus mirififique de tous les miroirs ?

 17 – Délibule

— A part tourner en rond dans ton bocal, qu’est-ce que tu fais de tes journées ? Bon sang mais qui m’a fichu un délibule pareil !

18 – Créaginaire

— Dis-moi, t’en es où de l’écriture de ton roman ? ça avance ?

— M’en parle pas ! Depuis des jours ma créaginaire a fichu le camp.

19 – Existancié
20 – Tartuffolique

— Dans la pièce que nous étudions, qui peut me donner la signification de la réplique suivante : « Loin de l’existancié, le tartuffolique ne voit que le bout de son escarcelle » ?

21 – Gymnasticot

— Ah, quelle performance ! Regarde comme elle évolue sur scène.

— Il est vrai que c’est beau. Tout est dans le geste, le mouvement subtil de la gymnasticot. Quelle grâce !

22 – Couettivité

— Demain la saison de la couettivité débute ! ça te dit d’y participer ?

— Et comment ! J’attends ça depuis des mois. J’amène mon oreiller. Tu me fais une place sous ta couette ?

23 – Ecriames
24 – Pinguouination

— Tu as terminé ta thèse sur les écriames ?

— Pas encore. La pinguouination est assez complexe, il va me falloir plus de temps.

25 – Chocile

— Tu prendrais la robe rouge ou la noire ?

— Les deux . Comme ça pas de Chocile !

26 – Drolatour

— Maman, tu connais la dernière de carambar ?

— Encore une histoire qui se veut drolatour ? Oui ! Je crois bien que j’en ai fait le tour plus d’une fois.

Petits bouts de dialogues divers et divers mots-valises pour l’agenda ironique d’octobre proposé par Jobougon et hébergé par Différence propre et singularité

 

 

 

 

 

 

Promenade sous terre puis retour à Deauville.

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À la recherche de mon moi idéal, je suis descendue sous terre.  L’air était dense, la terre meuble et humide. J’ai suivi les lumières suspendues, qui dans la nuit, ressemblaient à des salsifis sauvages. J’ai parcouru de long en large l’esplanade, mais j’ai eu beau me chercher je ne me suis pas trouvée. J’y ai pourtant croisé mon égo en conversation avec Jacques Lacan. Fallait le voir (mon égo pas Jacques) refléter dans son miroir toute la splendeur de son narcissisme assumé. Bernique ! Y a des jours où je me demande franchement quel JE, je suis ! Bref, j’ai poursuivi mon chemin et mes recherches. Mais attirée par les voix et la musique qui se jouait non loin de là, je me suis arrêtée à la brasserie “La Rotonde”.

Le lieu était bondé de monde, un ballet-théâtre y donnait une représentation. Un verre de pinot à un main, je me suis perdue loin de moi me réjouissant d’assister au spectacle donné.  Des métropolitains en tenue de pingouins y dansaient, jouaient et déclamaient haut et fort leurs répliques. Un dernier verre et puis j’ai quitté tout ce petit monde. L’heure tournait, (ma tête aussi) et j’étais toujours à la recherche de moi-même. Les heures de la nuit s’allongeaient jusqu’à devenir trop familières. J’ai dû courir pour ne pas rater le ballon-taxi. En un bond je suis montée dedans et nous nous sommes envolés pour le jour suivant. C’est en arrivant sur la plage de Deauville que je me suis vue, en tenue de bain, les pieds dans l’eau, la main en visière le regard scrutant le littoral. Pendant un temps infinitésimal je me suis demandé si je ne rêvais pas. J’étais là avec mes gambettes à l’air, à me narguer sans pudeur. Quelle chipie me suis-je dit, elle ou bien moi-même, (à vrai dire je n’étais plus sûre de rien) m’avait chipée mon maillot !

Finalement à bien me regarder, idéal ou pas, l’émoi que je ressentais à être face à moi m’a rappelé que, qui que nous soyons, nul besoin de courir loin pour se trouver. On peut apprendre à bien vivre avec soi, sans idéal, peut-être même est-ce l’idée qu’il faut s’en faire. S’habituer à soi tout doucement, apprendre à s’aimer, un peu, puis beaucoup sans pour autant égaler l’égo non plus. – Celui-là, il n’en manque pas une pour s’immiscer dans le texte.

Le jour se levait. J’entendais déjà le Jaquemart sonner six heures et le coq chanter à tue-tête « ici l’Aube ! ici l’Aube !» J’ai pensé qu’il était trop tard pour aller compter les moutons dans le près d’à côté, alors à défaut je suis passée voir les brebis, qui elles, n’hésitaient pas à faire des salto à tout heure. Je me suis allongée dans l’herbe. Ça sentait déjà la chaleur et les blés coupés. Les coquelicots se balançaient dans le vent. J’ai respiré profondément. L’air du temps sommeillait à l’abri des indiscrets. Je me suis endormie tout contre moi. J’étais bien. Tout simplement bien.

Ce mois-ci l’agenda ironique est double. Donc doublement difficile de jouer mais le plaisir n’en reste pas moins grand ! 🙂 Avec un sujet d’Andréa et un de Dominique : S’inspirer d’une photo et du thème « Promenade sous terre » et y insérer une foison de mots. J’ai fait l’impasse pour trois d’entre eux. Pour les détails c’est par ici.

 

Crédit : Photographie de presse, Agence Rol, 1923
gallica.bnf.fr

Vacances à la campagne

 

 

En villégiature dans la campagne anglaise, Holmes, assis dans un fauteuil Voltaire, le nez collé à la fenêtre regardait le rideau de pluie infini tomber du ciel gris.

Plusieurs points étaient à observer pour faire état de ses lamentables vacances.

Le premier, l’ennui. Indiscutable. Interminable. Les vacances de ce mois de juillet n’en finissaient pas. Watson, s’y plaisait, – il s’était pris de passion pour l’étude de la phrénologie et y consacrait la plus grande partie de ses journées – et pendant ce temps Holmes buvait son désœuvrement avec du thé arrosé de brandy.

Le deuxième point, le mauvais temps. Indiscutable. Interminable. Depuis des jours il pleuvait des cordes, ou des chats et des chiens, c’est selon de quel côté de la Manche on se situe. Toujours est-il que l’on frôlait l’inondation.

Le troisième, l’ennui encore et toujours. Le quatrième et le cinquième point : idem.

Parce que, autant vous mettre dans la confidence, Holmes était en manque.  Un manque grandissant qui mettait ses nerfs à vif. Il était pris de tremblements qu’il cachait à Watson en tournant en rond à en user le tapis du salon. Oui en manque. Manque d’énigme à résoudre, de mystère à découvrir, il frisait le spleen de la campagne.

Il fallait que cela cesse.

Comme pour conjurer cette énième mauvaise journée, Holmes vit tout à coup derrière le rideau de pluie une chose des plus étranges, comme un appel à ce qu’il sorte du cottage malgré le temps épouvantable. Ce qu’il fit, sans plus attendre. Il tenait enfin une chute digne à ce récit monotone.

Crouich, crouich chantaient les pas bottés du détective. Il avançait dans la gadoue, la tête baissée, faisant fi des rafales de vent qui annonçaient la tempête, pressé d’arriver sur les lieux parce qu’il en était sûr, oui, sans l’ombre d’un doute, aussi certain qu’une preuve dans la visée d’un microscope, il avait vu, comme je vous vois, à l’autre bout de la propriété, un pangolin se balancer sur la branche du vieux chêne. En s’approchant de plus près, il considéra l’animal. De part et d’autre la surprise s’affichait sur les visages. Voilà une affaire des plus étranges, estima Holmes. Il devait faire preuve de souplesse, ne pas laisser voir son étonnement, après tout il avait vu et assisté à bien d’autres troublantes affaires. Celle-ci n’en était qu’une de plus. Il prit le temps de bien observer le pangolin. Il avait un teint de porcelaine et portait une robe blanche ornée de minuscules fleurs brodées. Son sourire était doux, un rien moqueur. Son attention ne faiblissait pas. Il salua le détective mais ce fut la voix insistante de Watson qui perça de son timbre insistant, l’état de sa stupéfaction

– Holmes ! Holmes ! Vous m’entendez ?

– Bien sûr que je vous entends, grogna-t-il dans un sursaut. Inutile de crier.

– Eh bien mon ami, vous voilà de méchante humeur, s’exclama Watson. Décidément, faire un somme en milieu d’après-midi ne vous convient pas. Venez donc saluer Miss Pangolin qui nous fait l’honneur de sa visite.

Holmes se redressa avant de se lever de son fauteuil. La mine chiffonnée, le moral en berne, il toisa Watson avec contrariété. Point de pangolin, point d’aventure, point de mystère à résoudre. Juste un brin de somnolence et une miss assez jolie pour faire fondre le cœur de Watson et parfaire son propre ennui. Quelle ironie ! And last, but not least¹, pensa-t-il, en saluant Miss Pangolin. On ne m’y prendra plus, ça non. Terminé, finito ! Ras la casquette ! Ne plus quitter Londres, ne plus suivre Watson, encore moins l’écouter me vanter les mérites de vacances à la campagne.  I’m coming back home² !

En juillet l’agenda ironique prend ses quartiers chez Palimpzeste. Où il est question de faire revivre Sherlock Holmes le temps d’une histoire avec des mots à lâcher de-ci, de-là : phrénologie / porcelaine / chute / microscope / inondation / corde/  and last, but not least/pangolin.


¹ « dernier point mais non le moindre »

² « Je rentre chez moi »