Faire silence


comme les forces déséquilibrées des hommes 
les hommes aux priorités douteuses
qui se tourmentent se mentent
pèsent sans complaisance
sur le poids des peines du monde 
Les lumières vacillent 

tu te demandes 
où se situe ta priorité
et la lumière
dans tout cela
flamme fragile
c’est toi qui vacilles
tu t’éloignes 
tu écoutes tout bas 
les murmures de l’hiver
qui jonglent entre pluie et soleil
et tant pis si les autres s’imaginent 
que c’est plus facile 
il faut de la constance pour écouter l’âme de la Terre
et faire silence

L’élan heureux des simples qui savent vivre

A l’éloignement des origines
aux heures qui tremblent 
et ébranlent les cœurs flottants 
l’esprit aveugle et sourd
en rupture de connaissance

En réponse aux maux qui défient l’essentiel

Il faudra dire les silences évidents
la pulsation de la terre et la sève 
et le profond soupir de la mer 

l’horizon nivelé de bleu
la profondeur des arbres nus dans le ciel pâle
et l’hiver hésitant à accoucher la saison
ils racontent les rives du temps
les gestes du monde 
le battement ivre du vent
les cycles de l’existence
l’élan heureux des simples qui savent vivre

Les rêveurs

Dans la trajectoire sans fin des galaxies
les corps endormis bercent les rêveurs
Et malgré l’oubli de leurs racines
eux qui ne sont pas de ce monde
mais bien rebelles en ce monde
y entendent et voient
la richesse des gestes aimés
toute déraison sensée
la danse lente du chant des âmes
les couleurs et les mots poétiques
du cœur des hommes

Ils respirent l’instant animé de la terre
toutes variations expressives et tenaces du vivant
et face aux affronts qu'ils subissent 
portent en eux la présence folle de leur résistance

Automne

T’aimer

à l’horizon des vagues dans le vent
dans le silence des voix et le chant de la mer
à l’épaule caressée comme au premier matin
je te regarde
et au bruit du monde en furie
j'écoute l’essentiel

à la lumière des années qui passent
peut-être est-ce cela l’amour 
dans l’âge des corps qui se fanent 
cet instant tendre et sauvage
de la vie qui circule 
en murmures fous et sages

C’est bien ainsi que va la vie

Je n’ai pas oublié la musique des nuits sans lune
où la caresse de la houle épouse la pluie
où chantent les notes du ressac
en réponse à la voix des autres 

alors que les années passent et que s’apaisent les jours 
il demeure les blessures entre les vides
ces disparus liés aux fragments d’existence
ces absences sans nom qui errent  
ombres sourdes tracées au cordeau
des âmes aux contours éloignés  

comme les lignes palpitantes de ma main
j’irai dessiner sur le sable le vivant 
simples empreintes fugaces 
que les vagues effacent sans oubli
c’est bien ainsi que va la vie

L’homme et la mer

Alors que tu longes la mer comme on rêve l’apaisement ; en bordure de dunes, les oyats, les chardons, les liserons tanguent sous la brise et annoncent les premiers signes de l’apesanteur. L’intranquillité devient sans horizon, loin de toute flottaison. Tu t’enracines dans le sable au milieu des coquillages et le balancement lent des vagues murmure ce parfum piquant et iodé du sable humide. C’est une musique. Celle qui se lit sans bruit et berce le temps du littoral. Une mélodie. Peut-être naissante ou saisie sur le vif du vent levant. Une bouffée d’enfance qui surgit et que tu laisses partir. Tu ne retiens rien. Seul ton cœur qui bat lent et tranquille.

Le cœur du monde

A fleur de terre
j’entends battre le cœur du monde
au rythme des stigmates et des blessures
et mes doigts sous la terre enrobent l’alluvion et l’argile
jusqu’à saisir la vibration des arcs de pluie sous le soleil d’avril
le roulement des pierres dans les rivières
la caresse des arbres
le chant du vent dans le jour qui s’éloigne

et nos mains en quête de nuances
se veulent consolantes

dans ce monde frileux négligeant la vie
dis-moi la bienveillance des uns envers les autres
le murmure des voix qui aiment
et leur silence paisible
dis-moi les fous d’équilibres et les heureux 
et la course du rire des enfants ricochés sur les murs de la nuit
dis-moi le cœur du monde qui aime

En passant les rivières

En passant les rivières
nos âmes traversées d’inquiétude en quête de racines
se sont repliées dans le secret de la terre 
fêlures fragiles s’armant de patience et de permanence
de branches d’orage
en rameaux d’étendues 
modelant l’eau le feu
l’air et la terre
nous irons dans le battement sourd du monde
écouter les galets rouler vers la mer
apprivoiser l’univers
et ce qui nous sépare comme autant ce qui nous lie


De l’élan d’aimer

Sous la confusion de la déraison
et l’évident mirage des illusions retenues
il y aura toute la fougue de l’ordinaire
dans l’histoire qui nous lie
je saurai prendre toute la mesure du souffle 
qui par vague
défie les fissures et autres craquelures
les obstacles du voyage
pour étendre l’envol de la source
vers le fleuve qui danse
et bercer nos cellules 
de l’élan d’aimer

Dans le silence froissé de l’aube

les nuits ont encore un parfum d’hiver
caresses de fraîcheur et de figues sèches
 
à travers la course du fleuve et les montagnes blanches
du sillage de brume aux notes piquantes  
le silence froissé de l’aube
penche vers la mer 
la mer

comme la forme de l’eau épouse la terre
et sillonne les traverses du temps
se nourrir du chant de l’eau
comme on s’apaise face à la mer