
Je porte en moi des millénaires d’existence, la patience de nos pères et la sagesse de nos mères. De la semence à la sève, la terre, le ciel, l’air et le feu m’ont façonné. J’accompagne les sources et le vol des oiseaux, le feu du couchant et la quiétude de l’orient.
L’histoire est récente mais elle prend naissance dans les temps anciens. Un matin, l’Homme a posé sa main sur moi et dans le flux de son sang, j’ai entendu le regard fuyant du monde et toutes traces des humains sans repères. Il portait en lui nombre de pensées en déroute, vacillait sur les brèches de l’existence, petit être usé par des siècles de bitume et de vanité. Ses racines, frêles et périssables avaient délaissé l’essentiel, négligé les modes et les façons de grandir. J’ai puisé loin dans le journal du temps pour lire la mesure de ses erreurs, les nœuds innombrables, les heures glaciales et les orages violents. Pour l’Homme j’ai absorbé les maux de la terre, drainé les trop pleins. J’ai plongé dans les abîmes pour y recueillir la mémoire et l’origine du monde, et dans l’intervalle, j’ai vu le corbeau planer près de mes cimes, tournoyant comme un radar en quête de réponses. La terre grondait, respirait l’air en souffrance et la peur des hommes sans foi. J’ai traqué chaque manque, chaque gouffre et réparé chaque vibration interrompue, offrant des courbes d’horizon et de l’audace, pour accueillir la vie. J’ai ouvert toute amplitude pour, tel un boomerang, lui permettre de revenir à la source. Alors, des racines profondes le chant des montagnes a jailli et dans la résonance du jour les ragots se sont tus. Et comme des notes de musique longtemps réprimées on a à nouveau entendu iodler les mers et le vent.
Pour les plumes d’Asphodèle chez Emilie. Du thème Echo ont découlé 13 mots à placer : montagne, mode, ragot, radar, corbeau, iodler, boomerang, hoquet, résonance, journal, gronder, profond, glacial. J’ai fait l’impasse sur hoquet.
Photo : © Lucile Duneau-Délis