Peinture acrylique sur papier, collage
Emmanuel avait deux passions dans la vie. La peinture et les femmes. Il avait débuté l’une et l’autre quasiment en même temps alors qu’il venait de souffler ses douze bougies. Ce jour-là, il avait reçu en cadeau un coffret contenant tubes de peintures, brosses et châssis à peindre. Il était resté longtemps subjugué devant la toile immaculée avant d’y passer la paume de sa main en une caresse possessive et avait imaginé les mondes colorés qu’il pourrait y peindre. Ce même jour, de nouveaux voisins aménageaient dans la maison face à la sienne. La fenêtre ouverte de la chambre de Marie — seize ans, le corps nu aux seins fermes comme des pommes et aux fesses rondes comme la lune —, attirèrent le regard d’Emmanuel. Dans la lumière déclinante du jour, les lignes, les courbes et les creux qu’il aperçut lui offrirent son premier souvenir fiévreux. Dès lors, chaque jour, il détailla dans son carnet de croquis chaque fille que ses yeux croisaient. Au fil du temps, sa contemplation timide prit de l’assurance et devint généreuse dans le mouvement des lignes qu’il retranscrivait ensuite sur sa toile. Entre le peintre et la toile la complicité était infinie. Les rondeurs et arrondis des corps prenaient des largesses libertaires et les espaces se métamorphosaient sous le pinceau. Emmanuel travaillait avec ferveur les couleurs et les formes, chaque femme esquissée était un monde nouveau à découvrir. Sa main se posait sur le modèle vivant avec la même possessivité que celle qu’il passait sur la toile avant d’ébaucher le premier trait. Sa palette accueillait une multitude de couleurs, des mélanges audacieux naissaient comme autant de transpositions heureuses. Rien, ni personne n’altéraient les moments passionnés qu’il éprouvait à révéler sur la toile les passions qui l’habitaient. Les femmes qui passaient dans sa vie — semblables à des éphémères — étaient aussi différentes les unes que les autres, des opposés qui justifiaient la variation de son engouement gourmand à croquer chacune d’elle.
Jusqu’à ce jour de pluie d’été, où sous la grisaille d’un ciel grincheux Emmanuel croisa Sasha. Sur le parvis du centre ville, une troupe de danseurs présentait son numéro. Mais il ne vit qu’elle qui dansait. Et ce qu’il vit d’elle en premier fut sa chevelure déliée qui flottait dans le vent, une chevelure teinte en bleue. D’un bleu comme il n’en avait encore jamais peint. Vinrent ensuite les yeux incroyablement lumineux, d’un bleu similaire, qui attirèrent son attention, puis son sourire mutin, et les ongles des mains enduits du même coloris. Fébrile, il posa son regard sur les orteils que les pieds nus dévoilaient. Des touches de bleues y figuraient également. Tout à coup le cœur chamboulé par l’attraction de l’apparition, l’univers du peintre se parait d’une couleur unique dont la variation offrait une nouvelle palette inexploitée.
Il se prit à imaginer effeuiller la belle céruléenne pour découvrir ce que cachait ses dessous. Il fit davantage. Il l’invita à partager sa vie et le sourire de Sasha lui dit oui et dans son désir d’elle les doigts d’Emmanuel constellés de peinture tremblaient un peu. Elle dit oui, et de ce oui découla le reste de la vie d’Emmanuel. Sasha devint l’unique femme qu’il peignit tout le long de son existence, comme une évidence à mettre en synergie corps et couleur, la nuance de son adoration.
Pour A vos claviers#3 L’atelier sous les feuilles propose en janvier un défi de sept mots à insérer dans un texte : Dessous-Palette-Carnets-Bleu-Marie-Emmanuel-Sasha. Merci à Estelle pour le plaisir de jouer avec les mots 🙂 et un merci particulier à Henri Matisse pour l’inspiration de l’illustration
Vraiment très beau, les couleurs, les formes. Un texte tout en sensualité et en déliés.
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Merci beaucoup Marie !
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J’aime beaucoup ce que tu écris, toujours beaucoup de sensibilité, et particulièrement dans ce texte peint par petites touches d’un pinceau délicat.
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Merci beaucoup Almanito !
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Super joli, emportée par les mots, les couleurs, l’amour d’Emmanuel pour sa belle à la chevelure bleue. L’art comme une palette d’émotions pour transcrire l’amour. Merci Laurence, je suis toujours aussi fan de tes écrits. Et puis chez moi, dans son emballage de carton, la danse de Matisse. Dernier cadeau d’un amour qui s’est enfui après. J’ai jamais réussi à l’accrocher. De temps en temps je le déroule et je me laisse étourdir par la beauté des formes et leur danse bleutée.
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Contente que tu aies apprécié ce texte. 🙂 Merci pour la confidence. Elle raconte beaucoup en peu de mots…
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Ou lorsque l’artiste rencontre sa muse…
Magnifiquement écrit !
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Merci beaucoup Emilie
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Les cheveux bleus, ça fait toujours son effet 🙂
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Oui !! 😉
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C’est beau.
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Merci Aldor…
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Quel bel hommage aux œuvres de Matisse !
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Bon jour,
Sensualité entre la peinture et le texte. Une belle composition.
Max-Louis
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Merci beaucoup Max-Louis
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Ta peinture collage me fait penser à Matisse et cette histoire révèle bien la passion de l’artiste sur sa muse. Me suis laissé emmener par le sujet avec plaisir. Merci Laurence 😊
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Merci JM ! Oui, c’est bien Matisse qui m’a inspiré l’illustration de ce texte. Le bleu aussi 🙂 Je l’en remercie en bas de page…
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Cette partie de la page, j’avoue que je ne l’avais pas lue. Comme quoi, connaissant bien l’œuvre de ce peintre qui a son musée à Nice, pour l’avoir présenté à bon nombre d’enfants et d’adultes, je pense qu’il aurait pu s’inspirer de ce récit pour raconter une partie de son ressenti. 😉
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Merci pour le cisèlement de ces sentiments si bien étudiés. Merci aussi pour le partage de la sensualité et l’érotisme de l’oeuvre.
Loïc
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Merci à toi pour les compliments… touchée…
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Magnifique…
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Merci Barbara.
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